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L'Annexion considérée aux points de vue italien fran Author(s): De Lasteyrie, Ferdinand Source: Foreign and Commonwealth Office Collection, (1860) Published by: The University of Manchester, The John Rylands University Library Stable URL: http://www.jstor.org/stable/60232682 . Accessed: 14/06/2014 16:43 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Digitization of this work funded by the JISC Digitisation Programme. The University of Manchester, The John Rylands University Library and are collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Foreign and Commonwealth Office Collection. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.78.108.127 on Sat, 14 Jun 2014 16:43:18 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

L'Annexion considérée aux points de vue italien fran

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L'Annexion consideree aux points de vue italien franAuthor(s): De Lasteyrie, FerdinandSource: Foreign and Commonwealth Office Collection, (1860)Published by: The University of Manchester, The John Rylands University LibraryStable URL: http://www.jstor.org/stable/60232682 .

Accessed: 14/06/2014 16:43

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Hi

ITALIE CENTRALE

L'ANNEXION

CONSIDEREE

AUX POINTS DE VUE 1TALIEN ET FRAKQAIS

FERDINAND DE LASTEYRIE

ANCIEN REPRESENTANT

Vox populi, vox Dei.

DEUXIEMB EDITION

Jt&qg&t*

PARIS

E. DENTU, LIBRAIRE-tfDITEUR GALER1E DORLEANS, 13, PALAIS-ROYAL.

1860 Tons droits rtsonrfj.

ErrH

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ITALIE CENTRALE

L'ANNEXION

CONSIDEREE

AUX POINTS DE VUE ITALIEN ET FMNQAIS

-o>ae{o-

L'ind6pendance de l'ltalie centrale parait aujourd'hui as¬ sure. Mais lesquatre provinces qui la composent seront-elles d^finitivement annexees aux Etats du roi de Sardaigne? Voila ce qui n'est pas offlciellement resolu; et Ton ue saurait se dissimuler que cette grande mesure politique rencontre en¬ core chez nous d'assez nombreuses objections.

Je crois utile de les combattre. Ce n'est pas de la pol6mique que je veux faire. Pour moi,

c'est une question de principes, et, si je l'aborde apres tant

d'autres, c'est avec l'intention de la traiter uniquement au

point de vue democratique, c'est-a-dire au point de vue du droit et des int6rets des peuples.

Pour discuter une question de droit politique, il n'existe

pas de terrain plus solide que celui des principes, ni de prin- cipe plus sur que celui de lasouverainet6 nationale.

Ce principe a toujours 6te" le pivot de ma foi politique, et, par consequent, c'est exclusivement sur ce terrain que j'en- tends me placer.

En these generate, qu'un peuple m6content de son gouver-

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nement le renverse de vive force, ou que ce gouvernement lui-meme abdique et disparaisse spontan^ment aux approches de la tempete, le peuple, reste son propre maitre, n'en a pas moins le droit de r^gler comme il l'entend ses destin6es, de

deleguer le pouvoir a qui bon lui semble et sous telle forme

qu'il lui convient. Que l'insurrection succombe ou devienue une revolution victorieuse, c'est la. une question interieure, dans laquelle les puissances etrangeres n'ont pas a intervenir.

Je sais qu'a beaucoup de gens ces doctrines paraitront beaucoup trop absolues. Adorateurs plus ou moins desint6- ressiSs du dieu de convention qu'on appelle le Pouvoir, beau-

Qoup de gens, en effet, sont encore loin de reconnaitre le droit des peuples dans toute sa plenitude.

S'ils s'inclinent devant lui, c'est seulement lorsqu'il s'agit des peuples forts.

La France se passe-t-elle, de temps a autre, la fantaisie de

jeter par terre son gouvernement, on en prend son parti, et

personne, a l'etranger, ne songe a se meler de nos affaires interieures. On sait trop bien ce qu'il en couterait.

On n'irajt pas plus inquieter l'Angleterre ou les Etats-

Unis, si, par un caprice heureusement impossible a pr£voir, ils s'avisaient un jour de changer la forme de leur gouverne¬ ment interieur.

Mais qu'un petit Etat ait sa revolution, qu'un petit peuple s'emancipe et reclame sa place au soleil du progres, qu'un obscur principicule chancelle maladroitement sur son petit tr6ne vermoulu... oh! alors, c'est autre chose. Vous les voyez tous, ces grands docteurs, qui chez eux-mtlmes n'ont pas su

gu6rir leurs malades, vous les voyez se jeter sur le voisin qui ne les appelle pas, comme sur une proie devolue a leur

science; vous les voyez tous cherchant k imposer leurs im-

puissantes panac£es a des gens qui se portent mieux qu'eux. Chacun voudrait se mtller du reglement de 1'affaire, a l'ex- clusion de ceux-l& seuls que cela regarde.

La democratic ne saurait admettre de pareilles preten-

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tions. A moins de renier son principe meme, elle ne saurait

admettre ces differences entre le droit des forts et le droit des

faibles. La Russie avec son gigantesque empire, la republique de

Saint-Marin avec son horizon borne, ont, a ses yeux, des

droits egaux, egalement respectables. Pour elle, ceux de l'ltalie centrale ne sauraient done faire

l'objet d'un doute.

En fait, que s'est-il passe? Trois petits princes, d'origine etrangere, perdent leurs

trones. L'un d'eux, jadis aim6 pour la mansuetude de son gouver¬

nement, puis descendant lentement l'echelle de l'estime pu-

blique jusqu'au jour ou la reprobation universelle le met en

fuite, s'en va piteusement reprendre sa place d'archiduc, en

serre-file de l'armee autrichienne. Un autre, petit despote fanfaron, qui insultait la France

en temps de paix, s'esquive au premier bruit de guerre, em-

portant sarancune... et ses medailles. Le troisieme, que la tutelle d'une mere justement honoree

detous avaitmis, du moins, a l'abri des haines populaires,

expie, lui aussi, par la perte de son trone, le malheur de ses alliances anti-nationales.

Dans les Romagnes, point d'insurrections, point de luttes. Le jour ou l'Autriche se retire, la peur s'empare des cardi-

naux; le sentiment de leur impopularite les paralyse. Pas un d'eux ne tente le plus legereffort pour conserver au Pape les

provinces confines a leur administration, et ils s'enfuient.

Vit-on jamais revolutions moins Tevolutionnaires? Vit-on jamais peuples remis plus pacifiquement en pos¬

session d'eux-memes? Aurait-il done fallu que les populations de l'ltalie centraie

employassent la violence pour conserver, bon gr6, malgre, les gouvernements qui, de toutes parts, se derobaient ainsi a leur amour?

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Ou bien aurait-il fallu, qu'abandonnees de leurs chefs tra- ditionnels, elles restassent indefiniment en presence de ces trones vacants, sans songer a se donner un gouvernement quelconque?

Non; la vie des peuples ne peut se suspendre ainsi. II fal- lait bien agir. Et Ton ne peut que feliciter l'ltalie, au milieu de crises ou l'anarchie etait si fort a craindre, d'avoir su dis- cipliner son patriotisme, a ce point de ne pas faire un seul pas en avant qui ne fut marqu6 au sceau du droit et de la moderation.

Chaque province, consultee par les voies les plus regulie- res et les plus legales, a dit sa volonte, a statue souveraine- ment, et la s'est renouveie cet admirable spectacle deja donne par les Principautes Danubiennes, l'unanimite d'aspirations d'un grand peuple pour son unification.

Mais, en politique, nous le savons, on ne se tient pas faci- lement pour battu.

Le vcsu d'un peuple est-il unanime, on en conteste la sincerite.

Ne peut-on signaler dans le vote aucun abus d'autorite, on s'en prend aux abus d'influence.

Pauvre Italie centrale! On croit peut-etre que son suffrage a ete libre. Allons done! Ne voyez-vous pas que c'est le Pie- mont qui lui a impose ses votes Ne reconnaissez-vous pas la main de M. de Cavour, dans ces manifestations unanimes des

peuples de la Romagne, qui ne veulent plus du gouvernement ecciesiastique?

Voila pourtant ce qu'on nous dit tous les jours! A en croire ceux qui parlent ainsi, les assembiees popu¬

lates ne seraient plus vraiment qu'un faisceau de girouettes pret a tourner au premier vent des influences.

Mais, s'il en est ainsi, les dynasties dechues ont done con¬ serve bien peu de souffle, pour que tous les efforts de leurs

poumons n'aient pu faire tourner un seul vote de leur cote. La cour de Rome, avec tout son prestige religieux et l'appui de toute la reaction europeenne, est done bien impuissante

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aujourd'hui, pour que son influence sur ses anciens sujets

a'ait pu conlre-balancer celle d'un ministre sarde.

Non! non! vous vous faites trop modestes et le Piemont

trop grand. Ce n'est pas entre Victor-Emmanuel et les princes dechus que la lutte s'est etablie; ce n'est pas entre M. de

Cavour etle Sacr6-Coliege ; ce n'est pas entre des influences

rivales, c'est entre des principes eternellement hostiles que la question s'est posee :

Droit divin d'un cote Souverainete nationale de l'autre.

Bon plaisir d'une part. — Libert6 de l'autre.

Oppression de l'etranger. — Nationalite.

Ces deux derniers termes de la question la rfesument tout

entiere. Seuls, ils suffisent a expliquer l'unanimite, la Cons¬

tance du voeu des populations italiennes.

A peine echappees au joug de l'Autriche, le premier mot

de ces populations est un cri de repulsion universelle contre

les anciens vassaux de l'Empire, contre les lieutenants plus ou moins avoues de l'oppression etrangere.

Mais cela n'est pas assez : un peuple ne vit pas seulement de negations. Ce n'est pas le tout pour lui que de dire ce doht

il ne veut plus; il faut encore qu'il sache ce qu'il veut; et

c'est la trop souvent l'ecueil des revolutions, c'est la qu'on se

divise. L'ltalie (hommage lui soit rendu!) a su echapper a ce

danger. Une main prevoyante et patriotique, celle du grand apotre de la nationalite italienne, avait ecrit depuis long- temps sur son drapeau ces deux mots qui doivent resumev toute sa politique actuelle : Indkpendance. — Unification.— L'instinct de la nationalite, le besoin de la reconstituer une et forte, ont resserre dans un lien commun tous ces membres

epars d'une meime famille, et tous ont voulu se grouper au- tour de celui qui fut leur aine dans la lutte.

Dieu protege l'ltalie : il se trouvait la, tout pret, un roi honnete homme et soldat heroique. Quelle idee plus simple que celle dese grouper tous sous son sceptre constitutionnel?

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En admettant cette mesure evidemment favorable a lafon- dation d'une nationalite s6rieuse, les assembles de l'ltalie centrale depassaient-elles la limite du droit souverain qui leur avait et6 deiegue?

Cette question peut etre posee et minte d'etre s6rieuse- ment examinee; car il s'agit ici de quelque chose de plus que d'un reglement interieur.

De meme que la liberte individuelle a pour limites le dom- mage que certains actes pourraient causer h autrui, de meme le droit d'un peuple, absolu en ce qui ne concerne que lui, est limite par les droits et les interets des nations voisines.

Pour un peuple, la libre disposition de soi-meme n'est pas absolue, si Ton entendpar la le droit de se donner a d'au- tres.

Evidemment, s'il plaisait a la Belgique de se faire anglaise, a la Suisse d'aller grossir les possessions de l'empereur d'Au- triche, la France aurait bien le droit d'intervenir dans des

arrangements aussi menacants pour sa dignite et son ind£-

pendance. Si, le trone d'Espagne venant a vaquer, il prenait fantaisie a nos voisins dese reunir a nous, l'Angleterre pour- rait, avec quelque raison, chercher a combattre une fusion aussi prejudiciable h ses interets.

Le projet d'annexion de l'ltalie centrale se presente-t-il dans des conditions identiques.

Non! la difference est grande, et voici en quoi elle consiste: Aux yeux de la nature et de la raison, les membres vio-

lemment separes d'une meme famille ont toujours le droit de chercher a se rapprocher. De meme une nationalite brisee par la force et par une longue suite d'usurpations partielles, a

toujours le droit de chercher a se reconstituer. Pour les provinces italiennes recemment echappees au joug1

de l'Autriche ou de ses lieutenants, il est aussi legitime de se

grouper sous le sceptre national de Victor-Emmanuel, qu'il etait legitime aux provinces franchises affranchies, il y a

quatre cents ans, de l'oppression anglaise, de se grouper sous le sceptre de Charles VII.

Ce n'est certainement pas se donner a un autre que de

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s'adjoindre a ses freres pour reconstituer avec eux une puis- sante famille.

Done le vote d'annexion a le droit pour lui.

L'ltalie centrale pouvait-elle mieux faire?

La realisation de ses vceux peut-elle causer un prejudice serieux aux autres peuples?

Telles sont les deux questions que je tiens h approfondir.

Pour peu que les peuples de l'ltalie centrale eussent le

moindre desir serieux de maintenir, de conserver leur inde-

pendance nationale, aucun d'eux ne pouvait songer a rap-

peler ses anciens souverains. II eut fait beau, vraiment, voir la Toscane aller chercher

le representant de sa nationalite sous l'uniforme blanc des

vaincus de Solferino! Pour ce qui est de Modene, evidemment, elle ne pouvait

songer a rappeler son due sans preparer de nouveaux loge- ments h la garnison autrichienne, qu'il eut ramenee avec lui.

La regente de Parme elle-meme, si plein de dignite qu'eut ete son exil, ne pouvait rentrer qu'avec le stigmate de la pro¬ tection etrangfere, deja une fois si funeste a sa race.

Et quant aux cardinaux romains, qui n'avaient pas jug6 prudent de rester a leur poste un jour de plus que les soldats de

l'Autriche, il va sans dire qu'ils ne seraient revenus qu'avec leurs bons amis et protecteurs.

Princes et cardinaux etaient devenus logiquement et fata- lement impossibles.

*> Quelles etaient done les voies ouvertes aux populations de

l'ltalie centrale pour assurer le maintien de leur nationalite

independante? Ellespouvaient,comme autrefois, s'eriger en autant de pe-

tites republiques independantes et quasi-municipales. Elles pouvaient constituer un seul gouvernement, egale-

ment republicain.

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Elles pouvaient se reunir pour former un seul royaume. Elles pouvaient, enfin, s'annexer h un Etat italien deja

existant et reconnu.

Examinons, l'une apres l'autre, ces differentes hypotheses.

Les petites republiques du moyen age ont pu, sans doute, jeter un grand lustre sur Pise, Florence et quelques autres ci¬ tes del'Italie centrale. Mais, qu'on ne l'oublie pas, avec elles ontpris naissance cesrivalites declocher, al'ombre desquelles l'etranger eut toujours si facilement un pied en Italic Loin de se consolider, une nationalite ainsi fractionnee porte en elle le germe de sa destruction prochaine. Est-il un homme sense qui eut voulu conseiller d'en renouveler l'epreuve?

Une seule et mime republique venant a remplacer les gou- vernements dechus avait-elle plus de chances de succes?— Non.—Je n'hesitepas h le dire, et, ici, je ne pense pas que la contradiction me vienne de ceux qui combattent aujourd'hui l'Annexion. Ceux-la nous ont appris, depuis longtemps, qu'ils n'aiment pas les republiques,les grandes encore moins

que les petites. _ Pour moi, on le pense bien, ce n'est pas la forme republi-

caine qui me fait peur. Mais, par cela meme que ce n'est

qu'une forme, je n'en veux l'application que la ou il en peut ressortir le plus grand profit pour l'independance et la liberty des peuples. Or, selon moi, cela ne serait pas le cas, aujour¬ d'hui, pour l'ltalie centrale.

Notez bien qu§ je ne me prebccupe pas m£me ici de l'as- sentimunt au moins tacite de 1'Europe, assentiment tres-ne- cessaire en fait, s'il ne Test pas en droit.

Mais, fut-on certain meme qu'aucune influence etrangSre n'y vintmettre obstacle, je dis que l'ltalie 'centrale auraittort, dans les circonstances actuelles, de vouloir se constituer im- mediatement en republique. Ce serait entraver, pour long- temps, les progres de « l'unification, »tuer l'unite naissante

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_ il _

et creer a plaisir des germes de divisions doublement fatales

en presence d'un ennemi encore tres-redoutable et toujours ruenacant.

L'ltalie, quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, est un seul et meme pays. La nature etl'histoire l'ont ainsi voulu. Eh bienl

imaginez-vous, dans ce meme pays, une republique de quel- ques millions d'hommes essayant de fonctionner, cote a cote avec une theocratie pure, entre le plus despotique des royau- mes absolus et le plus liberal des royaumes constitutionnels 1

Voyez-vous ce gouvernement republicain toujours et fatale- ment en suspicion a ses voisins, absorbant, attirant a lui, par la force des choses, toutes les ardeurs, toutes les impatiences les plus vives du pays, tandis que tous les elements mod6ra- teurs s'eioigneraient de lui pour se grouper, chacun selon sa

nuance, autour des representants monarchiques de la meme nationalite? Voyez-vous, comprenez-vous ces deux principes opposes mis en presence chez un meme peuple, non plus seu- lement en theorie, mais h l'etat de faits et de puissances

Qu'une nation se fasse monarchique ou republicaine, qu'elle soit l'une et l'autre tour a tour;—rien de mieux. Mais la re¬

publique et la monarchie fonctionnant simultanementetjuxta- posees dans le meme pays, la est l'impossible, la est l'anar- chie et, par-consequent, la ruine. Vainement la sagesse des

gouvernements voudrait-elle triompher de cette impossibi- lite, la difference meme du principe et des formes qui en sont la consequence s'opposerait invinciblement h toute action commune, h tout ce qui constitue l'unite nationale.

Je vais plus loin : l'ltaliefut-elle, plus qu'elle ne Test, mai- tresse de ses destinees, n'y restat-il aucun trone debout, au- cun pouvoir digne de ses respects et de ses sympathies, ce n'est pas au milieu de la crise actuelle, ce n'est pas avant de s'etre initiee elle-meme a la vie des peuples libres, qu'elle pourrait sagement songer a se mettre en republique.

Du reste, il ne s'agit aujourd'hui, on le sait, que des pro¬ vinces centrales.

Or, du moment que l'ltalie ne peut etre entierement repu¬ blicaine, il faut qu'elle soit entierement monarchique. II lui

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faut, avant tout, l'unite dans la forme, comme dans le butet les volontes, pour atteindre a Vunification, qui, seule, peut assurer sa force dans l'avenir.

L'ltalie centrale a done fait preuve de bon sens en votant

pour la forme monarchique. Lors meme que la connaissance des sentiments de l'Europe n'eut point pese sur ses deter¬

minations, elle aurait du voter ainsi dans son propre interSt. Mais, une fois la forme monarchique adoptee, restait la

question de savoir si l'ltalie centrale constituerait un Etatse-

pare ou se reunirait h un autre Etat preexistant; si elle eiirait ou accepterait de mains etrangeres un souverain particulier, ou si elle se rangerait sous l'autorite d'un souverain deja re- connu.

L'erection de tout royaume nouveau presente, des l'abord, un certain nombre de difficultes pratiques, dont la premiere, sinon la plus grande, est le choix d'un souverain.

Le prendra-t-on chez soi ou a l'etranger? Chez soi! — Tous les pays n'ont pas, comme la France, le

bonheur de posseder simultan6ment trois dynasties rivales

dont, naturellement, deux, pour le moins, sont toujours en

disponibilite. Leurs anciens souverains une fois partis, les provinces du

centre n'avaient, pour les remplacer, d'autre alternative que de choisir parmi les citoyens notables du pays, ou bien de demander un prince a quelque famille regnante,

Appeler au trone un simple particulier n'a rien d'illogique en soi. Ce serait une application comme une autre et un pro- gres notable du principe de regalite. Mais il faut bien conve- nir que le fait est assez insolite pour susciter, le jour ou il viendrait a se produire, des preventions nombreuses, et pour rencontrer vraisemblablement une fort serieuse opposition. II est probable, tout au moins, que les autres rois de l'Europe ne verraient pas de bon ceil entrer dans leur famille un sim¬

ple citoyen, ce que beaucoup d'entre eux appellent encore un

sujet, eminent seulement par son m6rite. Mais passons sur cette objection! Supposons, si vous le

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voulez, que cette election tout egalitaire fut acceptee, sanc- tionnee par toutes les vieilles cours de l'Europe.—II y a tant d'autres choses dont elles sont bien obligees de prendre leur

parti!—Admettons done qu'elles fissent encore cette conces¬ sion. N'y aurait-il pas d'autres dangers a craindre? Les rivalites d'hommes et de localites ne viendraient-elles pas sa-

per d'avance l'autoritedu nouvel eiu? Est-il bien certain que Florence consente a prendre un roi parmi les citoyens de Bo-

logne, que Modene ne repugne pas a rev£tir de la supreme autorite un citoyen de Parme? Est-il bien certain qu'entre les hommes eminents dont lesderniers evenements de l'ltalie ont fait surgir un si grand nombre, il s'en trouve un tellement

superieur a tous les autres, que ses concitoyens consentissent volontiers k s'effacer devant lui?

Ce que je dis la, jele sais, pourra sembler une critique ap¬ plicable aux elections supremes de toute republique; mais l'assimilation n'est qu'apparente et disparaitra pour peu qu'on y reflechisse. La forme republicaine porte avec elle ses correc- tifs. Dans une republique, ce n'est qu'un pouvoir temporaire qu'il s'agit de conferer; chacun peut esperer d'y arriver a son tour. Dans une election monarchique, c'est definitivement et a jamais que l'ambition de tous doit abdiquer devant la for¬ tune d'un seul.

Et puis ne comprend-on pas que l'emulation, les rivalites

personnelles, le mouvement des partis, acceptables utiles meme dans un gouvernement deja etabli, seraient une cause de ruine imminente pour un Etat qui se fonde On ne batit pas sur le sable mouvant.

La, ou Ton veut l'union, il faut un choix accepte, sanc¬ tion^, sinon par l'unanimite des citoyens, du moins par une majorite si imposante, que toute protestation contre ce choix n'ait qu'unevaleur pour ainsi dire individuelle. Or, pour que de simples particuliers arrivent a ce point de prestige et de

popularite, il faut une vie publique plus longue que celle des hommes politiques de 1'Italie centrale. Les Washington ne s'improvisent pas; et, d'ailleurs,les vrais "Washington, on le sait, refusent les trones.

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Les provinces italienries affranchies ne pouvaient done chercher leur souverain qu'en dehors de leurs etroites limites. Le choix leur restait uniquement entre un prince etranger ou un prince italien.

Un etranger!—Singulier expedientpour assurer une natio¬ nalite a peine renaissante? Ou l'eut-on pris, d'ailleurs? Les candidats ne manquent pas, je le saisbien. Mais c'est pour le

coup que le desordre eclaterait au camp de la monarchic .Vous

rappelez-vous ce qui s'est passe pour laGrece,pour la Belgi- que? Que d'intrigues autour de ces petits trones vacants! Que de rivalites haineuses surgissant au detriment de la tranquil- lite de l'Europe! Vous rappelez-vous quelle competition ar- dente surgit alors entre les principaux souverains del'Europe? C'etaient comme autant de bons peres de famille convoitant

pour leurs fils la main d'une riche orpheline, sans s'inquieter, du reste, aucunement, des convenances et de l'assentimentde celle-ci.

Dans ces manages d"arrangements, les preiiminaires ne sont pas toujours edifiants, et les resultats sont toujours chan- ceux. Les Beiges s'en sont bien trouves, c'est vrai; mais je ne sache pas que la Grece ait reconquis, sous l'uniforme ba-

varois, rien qui rappelle sa grandeur antique. Auraient-ils done travailie pour le bonheur de l'ltalie et

pour lerepos de l'Europe, ceux qui eussent ouvert de nouveau la lice a ces competitions princieres?

L'ltalie, nous dira-t-on, aurait pu elle-meme manifester ses preferences. Mais, alors, k quelles inspirations eut obei son initiative? — A celle de la reconnaissance pour des ser¬ vices considerables et recents?—En ce cas, e'etait un prince francais qu'elle eut d6signe. — Or, croyez-vous que le Bour¬ bon de Naples, toujours tremblant devant le souvenir pourtant bien inoffensif de Murat, croyez-vous que l'Europe, crai- gnant toujours, quoique bien a tort, de voir se reproduire, sous le second Empire, toutes les phases du premier, eussent consenti volontiers a ce que, cette fois encore, la race impe- riale vint s'implanter sur le sol italien, et qu'avec elle la France y vint prendre pied?

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Je suis bien convaincu que le gouvernement francais n'a

jamais eu serieusement cette ambitieuse visee, et, par conse¬

quent, je n'ai pas a me preoccuper des merites du candidat

qu'il eut pu mettre en avant. Mais, pour ma part, et quel que soit mon patriotisme, je protesterais toujours energiquement contre une politique qui, en offrant a 1'Italie le secours de la France, aurait eu pour but, ou meme seulement pour resultat, de fonder une nouvelle domination etrangere plus ou moins

deguisee, a la place de celle que nous sommes alles com- battre.

Le gouvernement imperial n'a rien fait de cela. J'ignore le secret des cabinets; mais je parle de sa conduite appa- rente, etje lui rends cette justice avec l'impartialite qu'on doit a ceux-la meme pour qui Ton n'a point de sympathie.

Cependant, et si grand que soit le desinteressement de la

France, il ne pouvait aller jusqu'a tol6rer l'intrusion d'une influence etrangere, hostile ou rivale, au milieu de cette na¬ tionalite naissante pour laquelle nos soldats ont verse leur

sang.

Ainsi, en resume, l'Europe ne pouvait voir, sans m.econ- tentement et sans mefiance, un prince francais s'asseoir sur un trone italien.

La France ne pouvait accepter sans protestation l'avene- ment d'une puissance rivale. - Et l'ltalie centrale, a peine echappee a l'oppression autri- chienne, ne pouvait, sans se donner un dementi a elle-meme, confler a des mains etrangeres le soin de reconstituer sa nationalite.

C'etait uniquement dans la Peninsule que les provinces emancipees pouvaient chercher un roi.

Mais l'ltalie, a l'heure qu'il est, ne possede plus que deux princes regnants, deux dynasties : l'une a Turin et l'autre a Naples.

Reduite a choisir dans ce cercle etroit, etait-ce un prince qu'il lui fallait demander pour en faire un roi de plus?ou

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bien etait-ce a l'Un des deux monarques deja 6tablis qu'il lui fallait s'offrir et se soumettre?

Politiquement, il n'y avait pas k hesiter. Avec un prince napolitain ou piemontais, l'ltalie centrale n'aurait jamais eu, en realite, qu'un simple vice-roi. Annexee, au contraire, a l'un des deux royaumes, elle participant des lors, a toutes les forces preexistantes de celui-ci, etprofitait la premiere de l'accroissement de puissance qu'elle lui apportait en s'ad-

joignant a lui.

Jusqu'ici, remarquez-le bien. je n'ai voulu traiter la ques¬ tion qu'au point de vue purement theorique, sans compter pour rien la valeur des hommes, la popularite ni les services rendus.

II faut bien y arriver pourtant. II faut bien se rappeler qui regne a Naples et qui i-egne a Turin. L'hypothese, possible en theorie, d'une hesitation quelconque entre ces deuxtermes de la question, a quelque chose de si absurde en presence des faits, que je ne saurais, sans puerilite, en prolonger ic l'examen.

Disons-le comme cela est, le choix monarchique de l'ltalie centrale ne pouvait raisonnablement tomber que sur la mai- son de Savoie.

Comme prince non regnant, la maison de Savoie ne pou¬ vait lui offrir que le prince de Carignan. Mais le prince de

Carignan, si honor6 qu'il soit k juste titre, si independant que l'eut fait sa nouvelle position, n'aurait jamais 6t6, aux

yeux de l'Europe, que le representant de la politique pi6mon- taise, qu'une sorte i'alter ego du roi Victor-Emmanuel. Autant et mieux meme valait done le roi lui-meme. Ainsi le

disait la plus froide raison; et la raison, cette fois, etait d'ac-

cord avec le coeur, avec le genereux enthousiasme de toutun

peuple. Eh quoi! l'ltalie comptait, parmi ses enfants, un prince

doue des plus raresvertus, heroique champion de son inde-

pendance, inebranlable dans la mauvaise fortune, observa-

teur religieux de ses serments et des lois, veritable modele

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des rois constitutionnels, devou6 a la commune patrie au

point d'avoir joue sa couronne pour la cause de la nationalite italienne et l'ltalie, voulant reconstituer sa nationalite sous la forme monarchique, serait allee chercher ailleurs un

prince inconnu pour lui confier la garde de ses droits les

plus chers!

Non, non! c'eut 6t6 de la folie.

Erigee en royaume distinct, ou etait la force de 1'ltalie centrale? Ou etaient ses lois, sa constitution meme? Tout restait a faire, et les plus grands, les plus heureux efforts ne

pouvaient aboutir qu'a creer un petit Etat sans puissance reelle, incapable de se proteger lui-meme, et a plus forte raison de sauvegarder l'independance de l'ltalie.

Annexee au Piemont, les provinces nouvellement eman- cipees se trouvent, au contraire, dotees, des les premiers jours, d'une loi politique, d'une legislation civile deja con- nues, eprouvees et attendues de tous comme un bienfait. Leurs braves et g6nereux volontaires trouvent pour cadres et pour point d'appui une armee italienne tout organisee, aguerrie deja par de glorieuses campagnes etformee a l'ecole de la grande guerre. Sous l'etendard tricolore a la croix de Savoie, elles voient surgir dej'a, le noyau d'une flotte natio- nale indispensable a la protection de leurs cotes sur la Me- diterranee et 1'Adriatique. D'impuissants petits Etats qu'elles etaient aux mains de leurs anciens maitres, tout a coup elles deviennent partie integrante d'un Etat puissant, qui prend place immediatement au premier rang des Etats secondaires. Douze millions d'ltaliens, en attendant mieux, se trouvent

groupes sous le meme drapeau, et leur union patriotique devient le plus ferme appui, la garantie la plus sure de l'in- dependance commune.

Voila ce que vaut l'annexion! Voila ce qu'elle signifie.

En cedant aux velieites d'un orgueil municipal egoiste et 2

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mesquin, en se fractionnant au gr£ de quelques pretentions de clochers, l'ltalie se perdait.

En marchant sans cesse avec calme et resolution vers le but supreme de « l'unification, » elle conquiert l'avenir.

Que repondre maintenant aux gens a parti pris, qui, phez

nous, ne cessent de declamer contre « l'agrandissement de~ inesure du Piemont» contre « l'insatiable ambition de la

rnaison de Savoie? »

« L'agrandissement du Piemont,»voil& un grand mot bien

vide de gens.

Lorsqu'un regiment fait sa jonction avec un autre dumeme

pays, pour opposer ensemble une force plus grande a l'en-

nemi commun, pour proteger plus efflcacement l'honneur du

drapeau, qui songerait a dire que l'un de ces r6giments a recu un accroissement demesure? Non, ce n'est pas un re¬

giment qui s'accroit, c'est une brigade qui se forme. Chaque

regiment, au contraire, perd de son importance particuliere; mais c'est au profit de la force commune, et, par suite, au

profit de l'honneur national. Ainsi doit-il en etre de 1'Annexion.

Non, le Piemont ne s'agrandit pas. C'est l'ltalie qui se

fonde et qui l'absorbe. Allez le demander aux Piemontais : ils ne s'y trompent

pas, eux. Si leur juste orgueil est satisfait du rSle glorieux

qu'ils ont jou6 dans la grande lutte natiouale, des succes

qu'ils ont obtenus,dela place qu'ils occupent aujourd'hui dans

l'estime des peuples et dans la reconnaissance de l'ltalie, ils

savent bien, neanmoins, que leur individualite doit dispa- raitre par le fait de si nombreuses adjonctions. Turin se sent

menacee, du moins partiellement, dans son importance comme capitale; et, qu'on le croie bien, il ne faut pas moins

que le sentiment d'un grand accroissement de puissance na-

tionale pour compenser et faire taire plus d'un regret.

nant k la maison de Savoie, on ne saurait le nier, elle

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grandit en puissance comme en popularite. Le pre-cn! regno jette certainement sur elle un tres-grand eclat. Mais y faut- il voir une preuve de « l'insatiable ambitiqn » de Yjcfpr-Em- manuel? Et lorgque trois ou quatre petits Etats de l'ltalie

pentrale, pousses k bout par l'ineptie ou les violences de

Igur gouyernernenf;, et fatigues de sa connivence avec l'op- presseur etranger, ont eu le bonheur d'en etre un beau jour debarrasses ou de s'en debarrasser eux-memes,faut-il done s'en prendre au courageux defenseur de l'independance ita- lienn.e, si, dans l'eian de leur reconnaissance et la sincerite de leur estime, ces populations demandent aujourd'hui pour roi, et veulent, de preference k tout autre,Victor-Emmanuel, il re galant'uomo 1

Le bon sens le plus ordinaire, ainsi que les notions les plus simples de la politique, devaient entrainer l'ltalie centrale vers l'Annexion. La popularite du roi, la confiance qu'il ins¬ pire, ont fait le reste. Voila toute l'intrigue.

Victor-Emmanuel n'a-t-il aucune ambition? Dieu me

garde de l'arSrmer.

II est certaines ambitions que les plus nobles cceurs peu- vent avouer. Celle de devenir grand par la grandeur des ser¬ vices rendus a son pays, celle de se faire aimer de tout un peuple, celle de se faire un nom glorieux parmi les plus bra¬ ves soldats de l'univers, celle meme d'augmenter sa puis¬ sance en augmentant celle de sa patrie, sont au nombre des plus nobles que je connaisse, et je les tiens pour exemptes de tout reproche comme de tout danger, tant qu'elles ont

pour frein le respect absolu du devoir et de la foi juree.

Oh.'ilyavait, pour Victor-Emmanuel, un bon moyen d'echapper a ce reproche d'ambition qu'on lui adresse si be~ nevolement aujourd'hui. — La maison de Savoie, vajneue k Novare en 1849, avait neanmoins consen e l'integralite de ses Etats. Plus soucieux de son repos que de la cause ila- lienne, des interets materiels de sa dynastie que de l'honneur de son drapeau, Victor-Emmanuel n'avait qu'a inaugurer

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son regne par une politique d'habile juste-milieu, couvrant

son egoisme et ses defaillances sous le vernis d'un libera-

lisme modiri, vivant bien avec l'Autriche, repoussant, au

nom de son respect pour les traites, toute solidarite avec

les tentatives revolutionnaires dont les Etats voisins etaient

le theatre, et, du reste, evitant toujours avec un soin egal de mecontenter ses sujets et d'indisposer son redoutable

voisin.

Voil& une politique habile que beaucoup de gens auraient

approuvee. Certes, on n'aurait pu l'accuser d'etre ambitieuse;

mais, je le demande, aurait-elle et6 patriotique?

II faut cependant en finir avec cet absurde reproche. L'ambition d'un homme, et surtout l'abus de son auto-

rite, peuvent faire pencher la balance dans des questions douteuses. Mais on ne commande pas l'unanimite. — Ce que les princes les plus puissants, appuyes par toutes les forces

dela centralisation administrative, n'ont jamais pu obtenir, est-il admissible qu'on aitpu l'imposer a des provinces oule

roi eiu ne possedait pas un soldat, pas un fonctionnaire a sa

solde, au moment de l'61ection? — A supposer meme tous les

anciens partis glaces par la terreur, le parti republicain, qui ne passe point pour timide, aurait-il done renonce, lui aussi, a troubler cette unanimite, si, dans le vote de l'Annexion, le

bon sens national n'eut reconnu, comme l'a si bien dit

M. Ricasoli, la seule mesure de salut public qui put assurer l'existence mdependante de l'ltalie?

Quatre votes consecutifs ont consacre la volonte nationale.

Nier la liberte et la validite de ces votes, c'est vouloir nier la

clarte du jour. En presence de vceux si imposants et si touchants a la fois

par leur unanimite, Victor-Emmanuel devait-il, pouvait-il refuser? Devait-il reculer devant la futile crainte d'etre ac¬ cuse d'ambition? Non, il n'en avait pas le droit. Comme roi

de Piemont et de Lombardie,il n'avait pas le droit de refuser un accroissement de force pour ces provinces; comme cham-

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pion de l'independance italienne, il n'avait pas le droit de refuser a celle-ci son unique element de succes, son unique

point d'appui solide. II n'avait pas le droit d'exposer a l'a- narchie par son refus, des populations depuis longtemps deja a l'etat de crise et sans gouvernement definitif.

Victor-Emmanuel a pousse la moderation aussi loin que possible, en ajournant son acceptation definitive. II avait a

manager k la fois les impatiences legitimes de l'ltalie, les

susceptibilites de l'Europe, en particulier celles de son tres-

utile, mais redoutable allie. Or, pendant qu'on l'accuse ici d'insatiable ambition, c'est toutau plus si les populations de l'ltalie centrale lui pardonnent la lenteur de ses determina¬ tions.

En cela, le roi Victor-Emmanuel fait preuve de prudence, de gratitude pour les services rendus et d'un grand respect pour les convenances internationales.

Cependant, cet etat de choses ne saurait se prolonger sans de graves dangers pour l'ordre et la tranquillite des popula¬ tions dont l'existence politique se trouve ainsi en suspens. L'Europe a eu le temps de peser, de controler a son aise les resolutions de l'ltalie centrale, de constater la persistance aussi bien que l'unanimite de ses vceux. Chacun, k son point de vue, a pu se rendre compte des resultats probables de 1'annexion.

Evidemment, elle ne peut satisfaire tous les gouverne- ments.

Le roi absolu qui regne a Naples ne peut, sans de legiti¬ mes apprehensions, voir grandir progressivement a ses cotes une puissance rivale vers laquelle se tournent toutes Iss

aspirations genereuses de l'ltalie. Toute tendance vers « l'u- nification » est une menace pour lui.

Rome n'eut-elle pas adopte, pour le malheur de tous, cette

politique a outrance qui lui aliene si fatalement les popula¬ tions, Rome, il faut bien le reconnaitre, ne peut voir de bon ceil les belles provinces echappees a son obeissance, aller grossir les Etats d'un prince qu'elle eut excommunie depuis

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longtemps, si les excommunications etaient encore de mise.

L'Autriche, si heureusement sauv6e a Villafranca d'une defaite complete, mais qui n'en a pas moins de raisons de

regretter amerement la perte d'une province telle que la

Lombardie, l'Autriche, cela va sans dire, ne peut, sans uh mortel deplaisir, voir les Etats qu'elle tenait naguere en vas-

selage, saluer pour roi Victor-Emmanuel et fonder leur na- tionalite sur les ruines de la domination etrangere.

Que Naples, Rome et l'Au'triche soient opposees a l'an- nexion et la combattent par tous les moyens en leur pouvoir, rien n'est plus naturel, rien n'est plus legitime, dirai-je meme, une fois la politique de ces trois cours acceptee.

Mais est-ce bien pour le bon plaisir de l'autocrate napoli- tain que la France et le Piemont ont repandu tant de sang gen6reux? Est-ce bien pour subir les lois ou le bon plaisir de l'Autriche que nous l'avons battue a Magenta, a Solferino?

Et, lorsque le Saint-Pere s'est si douloureusement fourvoye dans l'exercice de son pouvoir temporel, serait-ce pour se donner un dementi a lui-meme, que le gouvernement fran¬ cais aurait offert tour k tour a la cour de Rome de si sages conseils de reformes et de renoncement?

Les autres puissances de l'Europe seraient sans doute moins

suspectes de partialite, mais je me demande a quel titre elles auraient le droit d'intervenir dans le reglement de cette

question. Tout dernierement encore, elles devaient, dit-on, se reunir

en Congres. Pourquoi? Quel pretexte pour appeler la Suede, 1'e Portugal ou la Russie a regler les destinees de Florence et de Parme? — Parce que ces puissances etaient signataires des traites de Vienne? — Singulier pretexte, en verite! sin-

gulier surtout venant de notre part, a nous dont tous les sen¬ timents et les actes n'ont cesse de protester contre ces traites

imposes aux jjeuples vaincus par les cbleres et les rancunes de la Sainte-Alliance.

Encore, en 1815, procedait-on avec une certaine logique.

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Le sort des arro.es ayant decide contre nous, il etait naturel, convenons-en, que toutes les puissances qui avaient contribue

a nos defaites se reunissent pour partager nos depouilles et

nous imposer leurs lois. Mais aujourd'hui, qui done a vaincu, si ce n'est l'ltalie et

nous? et de quel droit les spectateurs passifs de la lutte vien-

draient-ils pretendre a regler les questions deja tranchees par les armes victorieuses de PItalie et de la France?

Que la France et le Piemont, pour mieux consolider leur ceuvre et pour mieux assurer le repos de l'Europe, tiennent a se manager 1'assentiment des grandes puissances, c'est une

preuve de prudence et de moderation dont on doit leur savoir

gre. Mais il y a loin de la k la reconnaissance d'un droit.

D'ailleurs, l'Angleterre s'est deja prononcee hautement en faveur de 1'Annexion, et nous nous en rejouissons comme d'tine grande force morale donnee au Piemont.

De son c6t6, la Russie, que 1'Autriche s'alienait si heureu- sement par son ingratitude, pendant que le Piemont se la conciliait par la franchise de son alliance apres une guerre loyalementsoutenue, la Russie, dis-je, ne parait pas disposee a protester contre la realisation des vceux exprimes dans les Duches.

Qu'importe, api^s cela, le plus ou moins de sympathie des autres puissances?

II n'y en a qu'une a laquelle l'ltalie soit obligee de recon- naitre des droits, et meme des droits assez puissants pour intervenir legitimement, au moins d'une mani6re indirecte, dans le reglement des affaires italiennes.

Cette puissance, c'est la France. Loin de moi la pens6e d'elever en son nom des preten¬

tions exorbitantes. Son assistance, si precieuse qu'elle ait

pu etre a nos voisins, serait payee trop cherement, si elle de- vait l'etre au prix de leur ind6pendance nationale, de leur autorite souveraine ou de leur liberte.

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C'est a des egards que la France peut pretendre au nom des services rendus, et, je le sais, personne, en Italie, ne songe a les lui contester.

Quant a son droit, s'il existe c'est a, un autre titre. C'est comme puissance immediatement voisine, et par cela meme directement interessee, qu'il y a lieu pour la France a exa¬ miner jusqu'a quel point il convient a sa surete qu'une puis¬ sance considerable et toute nouvelle se fonde en Italie.

Peuple et gouvernement, nous avons le droit de nous de- mander si les evenements auxquels nous avons si puissam- ment contribue, doivent tourner au profit ou au prejudice de la France; si, particulierement, notre intent politique se trouve satisfait ou lese par l'annexion de l'ltalie centrale.

En fait, le nombre des sujets de Victor-Emmanuel se trouve deja singulierement accru depuis la derniere guerre. L'adjonction des nouvelles provinces changerait ce petit royaume en un puissant Etat.

Voila l'eventualite dont s'effrayent plus ou moins sincere- ment beaucoup de gens, peu sympathiques, il est vrai, au li¬ beral gouvernement de Victor-Emmanuel. Cr6er k nos psajio un royaume de douze millions d'ames, est a leurs yeux un acte d'imprevoyance politique impardonnable.

Mais, d'abord, observons bien qu'il ne s'agit aucunement

pour nous de crier. C'est l'ltalie elle-meme qui entend bien se reconstituer grande et forte, en reunissant a nouveau ce

qui fut trop longtemps divise. Tout au plus pourrions-nous mettre obstacle a celte creation, dont l'initiative ne nous

appartient aucunement. Pour y mettre obstacle, quel motif pourrions-nous avoir?

Quel interest imperieux et incontestable pourrait nous auto- riser a user de notre droit le plus extreme, en entravant l'exereice de la souverainete nationale chez nos voisins?

Je ne connais, pour cela, d'interet assez puissant que celui de notre propre independance, de motif assez determinant

que la crainte du clanger qu'elle pourrait courir.

Or, ici, je ne veux pas diminuer l'objection. Je veux, au

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contraire, la presenter dans toute sa force. —C'est trop peu dire que douze millions. Si l'annexion de l'ltalie centrale ne doit

etre qu'un accroissement de puissance pour un monarque

digne, d'ailleurs, de toutes les sympathies, je n'y tiens pas. Elle n'a de valeur a mes yeux, qu'autant que je vois en elle

un grand pas de plus vers « l'unification, » vers la reconsti-

tution de la nationalite italienne independante. Je n'eieverais

pas aujourd'hui ma faible voix en sa faveur, si je n'etais pret k acclamer du meme cceur la reunion aux provinces deja li-

bres, de toutes celles qui pourront echapper, dans un avenir

prochain, au joug sous lequel elles gemissent aujourd'hui. Ce n'est done pas de douze millions d'&mes qu'il faut par-

ler; — c'est la fondation d'une puissance considerable,

peut-Stre, un jour, de premier ordre ; c'est la resurrection

complete d'une grande nationalite, qu'il faut entre voir si

Ton veut donner a l'objection toute sa valeur.

La question, ainsi posee, se reduit a ceci : Vaut-il mieux, pour la France, avoir dans son voisinage

un grand peuple ou une multitude de petites principautes?

C'est k dessein, bien entendu, que j'emploie le mot peuple dans un des termes de la question, tandis que je lui oppose, dans l'autre, celui de principautes.

Fractionnez un peuple autant que vous le voudrez; taillez dans son manteau autant de petits duches qu'il vous plaira. Vous aurez cree plusieurs princes; mais vous n'aurez pas crec, pour cela, plusieurs nationalites.

Et, par contre, qu'un conquerant habile, qu'un heureux

oppresseur, reunisse dans sa main les fragments de vingt nationalites diverses, cela ne fera pas qu'il ait l'honneur de

regner sur un grand peuple. L'Allemagne, l'ltalie, morceiees a l'infini, partagees ar-

bitrairement entre je ne sais combien de souverains de toutes les tailles, n'en represented pas moins deux grandes unites nationales.

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L'Autriche,au contraire, peut etre un grand empire; mais un grand peuple, jamais.

Dans cette distinction est tout le noeud de la question que j'examine.

S'il est un danger permanent pour l'Europe, c'est precise- ment cette mauvaise et irrationnelle repartition des peuples, basee, non point sur les affinites de races et la comtnunaute d'interets,mais sur de simples convenances que la force bru- tale a fait le plus souvent prevaloir.

Plus la politiqde donnera satisfaction aux lois de la raison et de la nature, plus on evitera les chances de collision.

D'abord, c'est une loi fatale et prouvee par l'histoire de tolas les siecles, que toute nationalite fractionnee tendra in- feessamment a se recomposer. Tant que cette recomposition n'est pas realises, le corps social vit a 1'etat de crises terri- bles et sans cesse renouveiees.

Par combien d'epreuves sanglantes la France, l'Espagne, l'Angleterre elle-mSine, n'ont-elles point passe, avant de conquerir l'unite qui fait aujourd'hui leur gloire et leur force.

En Allemagne, ce grand travail n'est pas encore accom¬

pli. Deux puissances rivales et preponderates se disputent sourdement la suprematie dont une pieiade de petits Etats doit, tot ou tard, faire l'appoint.

Eh bien! je le demande a tout lecteur de bonne foi, ou est

pour nous le danger ou, du moins, la menace constante? Du c6t6 des Pyrenees, du cote de la Manche ou du cote du Rhin Du cote des grandes nationalites en possession de leur unite normale, ou bien du cote de ces fragments de peuples a qui la politique refuse, jusqu'ici, toute cohesion?

L'Angleterre, sans doute, est pour nous une rivale re- doutable, dans la paix surtout; rivale d'infiuence, rivale dans le commerce, dans la navigation, et, disons-le, dans toutes les grandeurs de la civilisation. Mais a qui fera-t-on croire aujourd'hui que l'Angleterre non provoquee songe a nous envahir, a menacer notre independance? Cette fantas-

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magorie n'a plus cours. La crainte de « la perfi.de Albion »

ne se rencontre plus que dans le vocabulaire du chauvinisme

conservateur. L'Espagne Charles-Quint l'avait faite bien turbulente, et

ses pretentions impies k la possession de contrees lointaines

separees d'elle par la France, ont longtemps prolonge des

luttes sanglantes. Mais qui songe a redouter l'Espagne, de¬

puis qu'elle a renonce elle-mSine a opprimer d'autres natio¬

nalites? Invincible chez elle, meme aux jours de sa plus grande decadence, l'Espagne, eut-elle reconquis demain son

antique splendeur, ne saurait etre un danger pour nous.

Aussi, assurement, personne en France ne songe-t-il a, re-

gretter l'unite nationale dont elle jouit. En est-il de meme du cote du Rhin? N'est-ce pas toujours

de la que partent les premiers cris de guerre contre la France?

Et.dans ce concert discordant, ne reconnaissait-on pas, der- nierement encore, la voix glapissante des plus minces souve-

rains de la Confederation? Les petits semblaient avoir la rage de leur faiblesse. Si un peu de moderation temoignfrit d'un

reste de bon sens chez le peuple allemand, c'etait uniquement, remarquez-le bien, dans les grands Etats ayant la conscience de leur force. —Quel esprit public voulez-vous qu'il y ait

dans ces principautes microscopiques, pour servir de frein aux passions de leurs chefs

N'etait-ce pas aussi le due de Modene qui faisait le plus de

bruit en Italie?

Et pour en revenir a cette malheureuse Italie, si constam- ment morceiee elle-meme pendant une si longue suite de sie-

cles, ou trouver un plus flagrant exemple de toutes les cala-

mites qu'entraine le morcellement des peuples Quelle terre

fut arrosee de plus de sang? Quelle gloire fut ternie de plus delarmes? Guerres civiles, oppression etrangere, rien n'a

manque a ses malheurs. II devait en etre ainsi. — Qui pos- sede une partie, veut arriver a en poss6der plusieurs, si ce

n'est le tout: de la l'ambition des petits princes et des pe¬ tits Etats. — Qui se divise et s'epuise en rivalites et en

guerres intestines, n'a plus la force necessaire pour resister

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a, 1'etranger : de la les envahissements sans nombre que l'l- talie a du subir.

La France n'a eu que trop de part a ces luttes sanglantes. A peine de dechoir et de laisser compromettre ses intents les plus chers, elle ne pouvait permetlre qu'une puissance hostile a la sienne vint brutalement s'implanter en Italie. Legitime en soi, cette rivalite d'influences a malheureusement ouvert la porte a bien des ambitions moins avouables.

Mais qu'une Italie forte et nationalement reconstituee sorte de la crise actuelle; que, redevenue une grande et puissante nation, elle trouve dans son unite assez de force pour barrer desormaisle passage aux Barbares qui, depuis Attilajusqu'a Radetzki, ont trop souvent profane son noble sol... alors, plus de danger pour nous de ce cote. Le champ de bataille se deplace. Si le malheur veut que nous ayons encore a rencon- trer l'AUemagne, nous ne la rencontrerons plus, du moins, que sur les bords du Rhin.

Quant k PItalie ainsi reconstituee avec notre assistance, quel sujet serieux d'apprehensions pourrait-elle donner a la France

Je ne parlerai pas de la reconnaissance des Italiens : il y a des gens qui s'obstinent a croire que les peuples ne sauraient avoir un coeur. Mais, a defaut de gratitude, n'est-il pas clair comme le jour que, si l'ltalie reconstituee veut vivre a l'etat de peuple independant, son point d'appui le plus sur, le plus indispensable, en raison mfime de sa position geographique, sera forcement l'alliance de la France? Et cela pendant une suite de siecles qui s'etend au dela des previsions ordi- n aires de la sagesse humaine.

N'y a-t-il pas, d'ailleurs, quelque chose qui domine toutes les alliances et les traites, comme les lois de la nature domi- nent les lois humaines? Ne faut-il pas tenir compte des affinites de races

Les races sont pour les peuples ce que la famille est pour les hommes.

Que la France et l'Angleterre s'allient, leur alliance peut etre sincere et durable; elle sera grande et fructueuse. C'est

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II

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l'ceuvre de la civilisation ; mais cc n'est pas celle de la nature.

Que la France et PItalie se donnent la main; peut-£tre la

civilisation en tirera-t-elle de moins eclatants avantages;

peut-etre sera-ce une garantie moins certaine pour la pais du monde. Mais le pacte se fera sans effort et se perpe- tuera sans peine, parce qu'au lieu d'une alliance ce sera une

fraternite.

Quels que soient les dissentiments politiques qui aient pu les diviser k diverses reprises, il existe un lien etroit entre tousles membres de la grande famille latine.

L'ltalie se trouve exposee a tout jamais au contact de deux nationalites considerables : l'une est de sarace, et l'autre lui

est aussi etrangere auxyeux de la nature qu'hostile auxyeux de Phistoire. Le choix de ses alliances peut-il etre douteux?

Des siecles entiers auront peine k effacer la trace d'un

antagonisme s6culaire, et Pon ne saurait croire que PItalie, tant qu'elle conservera le culte de sa nationalite, soit assez ennemie d'elle-meme pour se tourner jamais contre nous.

Que la re constitution de cette nationalite et le developpe- ment de force qui doit en r6sulter pour elle, lamettent a Pabri de toutes velleites ambitieuses et conquerantes de notre part, je serai le premier k m'en rejouir; car, le premier vceu de mon patriotisme est que la France se conduise toujours en

.honnete nation. II n'y a qu'une morale; c'est pour les peu¬ ples aussi bien que pour les individus, qu'a et6 dite cette sublime parole : «Ne fais pas a, ton prochain ce que tu ne voudrais pas qu'il te fit. » Sachons done nous rejouir nous- memes de ce qui, au besoin, pourrait servir de frein aux mauvaises passions de notre pays!

Mais c'est donner trop de place a des eventualites bien loin- taines encore. Nous n'en sommes pas Ik. A peine quelques provinces de l'ltalie ont-elles reconquis leur independance nationale ou politique. De longtemps encore leur puissance ne pourra porter ombrage a la France. Le danger pour nous,

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aujourd'hui, le seul qui menace notre repos et celui de l'F.u- rope; c'est l'accumulation d'e&perances, de haines et de ran- cunes que laisse, apres elle, notre besogne inachevee; c'est la prolongation, meme partielle, de l'oppression etrangere en Italie; c'est Venise, l'admirable martyre, restee dans les ferstandis que ses sceurs ont repris leur place au soleil dela liberte, Venise, que l'Autriche ne veut pas laisser vivre, et que PEurope ne peut pas laisser mourir.

Quelle que soit la bonne foi des. souverains dans leurs trai- tes, ce qu'ils ont signe comme une paix n'est qu'une tr6ve.

La paix, la veritable paix.ne commencera que le jour ou les deux nationalites, ramenees aux limites que la nature Ipur a t??ac6es, n'auront plus rien a se demander mutuelle-

ment, et pourront vivre, glorieuses chacune, dans des rap¬ ports d'estime et de confiance reciproques. Alors la France, soyons-en bien convaincus, n'aura plus rien a craindre sur la frontiere des Alpes. Alors, elle pourra voir d'un ceil con- fiant fit jsatisfe.it se deyelopper, a ses cotes, la puissance ita¬ lienne.

Comme jel'ai dit au commencement, c'est au point de vue democratique que j'examine la question. Je me preoccupe bien plus des tendances, de Paffinite des peuples, que des convenances de leurs souverains, et j'y vois de plus sures garanties pour la tranquillite de Pavenir. Voila pourquoi je combats cette politique mesquine, a courtes vuesetproba- blement douee de bien peu de confiance en elle-meme, qui ne peut admettre le developpement de la prosperite d'autrui sans jalousie ou sans apprehensions. J'ai, pour ma part, plus de foi dans monpays, plus de confiance dans mes principes.

Au nom de ces principes, j'ai demontre le droit qu'avait l'ltalie centrale de disposer comme elle Pa fait de ses des¬ tinies ;

J'ai cherche a demontrer comme quoi les Assembiees char- gees de formuler ses vceux avaient ete forcement conduites a proposer l'Annexion, seule combinaison qui puisse contri- buer a fonder Punit6 de la grande famille italienne;

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Apres avoir traite la question au point de vue italien, je l'ai examinee au point de vue francais;

Et, toujours pouss6 par la logique des memes principes,

j'arrive a repeter, avec une conviction plus ferme que jamais :

La volonte si legalement et si clairement exprim6e des

peuples de l'ltalie centrale, doit etre respectee. L'annexion de ces provinces aux autres Etats deja consti-

tues en monarchic constitutional!e sous le sceptre de Vic¬

tor-Emmanuel, doit etre realisee au plus t6t.

La. est le droit de l'ltalie. La est l'interet de la France.

Paris, imprimeris L. TIMERLIN et Ce, rue Neuve-des-Bons-Enfants, 3.

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