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Anthologie Negre - Blaise Cendrars

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  • DU MEME AUTEUR ;

    LA LGENDE DE NOVGORODE (1909)SQUENCES (1913)

    PROFOND AUJOURD'HUI (1917)

    LA GUERRE AU LUXEMBOURG(DESSINS DE KISLING). 1 ALBUM 15 x 23, D. NIESTL. DITEUR, PARIS, 1916.

    PANAMAOU LES AVENTURES DE MES SEPT ONCLES

    1 VOLUME 20 X 23. DITIONS DE LA SIRNE. PARIS. 1918

    J'AI TU(AVEC PORTRAIT PAR F. LGER). 1 PLAQUETTE IN-12 CAVALIER. 4' DITION.

    GEORGES CRS ET C". DITEURS. PARIS, 1919.

    LA FIN DU MONDEROMAN (COMPOSITIONS EN COULEURS DE F. LGER). 1 ALBUM lN-4 RAISIN.

    DITIONS DE LA SIRNE. PARIS, 1919.

    19 POEMES LASTIQUES(AVEC UN PORTRAIT PAR MODIGLIANI). 1 PLAQUETTE IN-S ECU.

    AU SANS-PAREIL. PARIS. 1919.

    DU MONDE ENTIERVOLUME IN-16 2 DITION. NOUVELLE REVUE FRAN(;VikISE PARIS 1919

    L'EUBAGE(AUX ANTIPODES DE L'UNIT)

    1 VOLUME IN- 16 DOUBLE-COURONNE, NOMBREUSES ILLUSTRATIONSDITIONS DE LTSPRIT NOUVEAU. PARIS. 1921

    COPYRIGHT BY LES DITIONS DE LA SIRNE. PARIS. 1921

  • BLAISE CENDRARS

    ANTHOLOGIENGRE

    EDITIONS DE LA SIRNE29, Bd. MALESHERBES

    PARIS MCMXXI

  • 3S-0

    FEBli

  • NOTICE

    Aprs les travaux linguistiques de Heli CHATELAIN sur Vam-

    bantou; de BuETTNER, Taylor et Steere sur le suaheli, de ScHOEN

    sur le haoussa, de ScHLENKER sur le temn, de Christaller sur

    le tshwi, de CallaWAY sur le zoulou, de Mc. All Theal sur le

    cafre, de Klle sur le bomou et de BleCK sur Ihottentot, nul n'est

    plus en droit d'ignorer en Europe que l'Afrique des Noirs est un des

    pays linguistiques les plus riches qui soient.

    Voici, d'aprs CuST, le tableau des 591 langues et dialectes

    d^Afrique :

    !' groupe : Smite 10 langues, 9 dialectes

    2 - Chamite 29 - 27 -3 Nubiane-Foulah 17 17 4e

    _ Ngre 195 - 49 -5 - Bantou 168-55 -6 Hottentot et Bushmen 19 6

    Ces 591 langues et dialectes sont des plus varis et pour ne parler

    que des 1 68 langues de la famille Bantou, employes par des mil-

    lions d'Africains de la Cafrerie au golfe de Guine elles sont, dit

    CusT, excessivement riches. Chaque monticule, colline, montagne

    ou pic a un nom, ainsi que chaque cours d'eau, chaque vallon, chaque

    plaine ; discuter le sens de ces noms prendrait une vie d'homme. Ce

    nest pas la disette, mais la surabondance de noms qui induit les

    voyageurs en erreur. La plnitude du langage est telle qu'il y a des

    vingtaines de mots pour marquer les varits de la dmarche, de la

    flnerie, de la fanfaronnade; chaque mode de marche est exprim

    par un mot spcial.

  • Appleyard, Krapf et Steere sont unanimes louer la beaut

    et la puissance plastique de ces langues et WiLSON remarque enparticulier " quelles sont douces, souples, flexibles un degr

    presque illimit; que leurs principes grammaticaux sont fonds sur

    une base trs systmatique et philosophique, et que le nombre de

    leurs mots peut tre augment l'infini; elles peuvent exprimer les

    nuances les plus dlicates de la pense et du sentiment, et il ny apeut-tre pas d'autres langues au monde qui aient un caractre plus

    dtermin et plus de prcision dans Vexpression.

    Le prsent Volume est un ouvrage de compilation. C'est pourquoi

    je me suis fait un devoir d'indiquer exactement dans la BIBLIO-

    GRAPHIE la date et le lieu de publication des ouvrages compulss.

    J'ai reproduit ces contes tels que les missionnaires et les explorateurs

    nous les ont rapports en Europe et tels qu'ils les ont publis. Ce

    ne sont pas toujours les versions les plus originales, ni les traductions

    les plus fidles. Il est bien regretter que l'exactitude littraire ne

    soit pas le seul souci lgitime de ces voyageurs lointains. En effet,

    l'tude des langues et de la littrature des races primitives est une

    des connaissances les plus indispensables l'histoire de l esprit

    humain et l'illustration la plus sre la loi de constance intellec-

    tuelle entrevue par Rmy de GourmontBlaise Cendrars.

    Les Grands-Mulets, 1920

  • CHAPITRE I

    LGENDESCOSMOGONIQUES

  • Nzam, Mbre et Nkwa. L'Elphant, le Tigre, leSinge. Fam, le premier Homme. Nzaln, Dlugede feu, le Tonnerre, Fils du ciel et de la nuit. DEUXIMECRATION : Skoum, le deuxime Homme. Mbongw,la premire Femme. Gnoul, le Corps. Nsissim,rAme. L'il. Nkoure, Bkal, Mfre, les troisFrres. Ngfi, VOiseau de la Mort. L'Ototoiane. L'toile du Soir. L'Homme. Le Lzard.

    Ndun, le chef de la race. Mbola, le chef des hommes. La Vie et la Mort. Chant de la Mort. LeSacrifice. Le Mystre. Le Rve. L'Animal.

    L'Arbre. Le Feu. Le Chant du Feu. Expiation. Alliance. La Pierre. Le Signe. La Sparation. Le Sang. La Vertu. Le Crocodile. Bingo,Fils de Dieu. L'Eili. Otoyom, le premier Sorcier. Le Camlon, l'Araigne, la Vipre. Le Crne des

    Anctres.

    1

    .

    LA LGENDE DE LA CRATION, conte fn.2. LA LGENDE DES ORIGINES, conte fn.3. LA LGENDE DE LA SPARATION, conte fn.4. LA LGENDE DE BINGO, conte fn.

  • LGENDESCOSMOGONIQUES

    1. LA LGENDE DE LA CRATIONQuand les choses n'taient pas encore, Mbre, le Crateur,

    il a fait l'homme avec les terres d'argile. Il a pris l'argile et il afaonn cela en homme. Cet homme a eu ainsi son commence-ment, et il a commenc comme lzard. Ce lzard, Mbre l'aplac dans un bassin d'eau de mer. Cinq jours, et voici: il a passcinq Jours avec lui dans ce bassin des eaux; et il l'avait mis dedans.Sept jours; il fut dedans sept jours. Le huitime jour, Mbrea t le regarder. Et voici, le lzard sort; et voici qu'il est dehors.Mais c'est un homme. Et il dit au Crateur : Merci.

    2. LA LGENDE DES ORIGINES Voici ce que m'a appris mon pre, lequel le tenait de son

    pre, et cela depuis longtemps, longtemps, depuis le commence-ment !A l'origine des choses, tout l'ongine, quand rien n'existait,

    ni homme, ni btes, ni plantes, ni ciel, ni terre, rien, rien, rier,Dieu tait et il s'appelait Nzam. Et les trois qui sont Nzam,nous les appelons Nzam, Mbre et Nkwa. Et au commencement,Nzam fit le ciel et la terre et il se rserva le ciel pour lui. Laterre, il souffla dessus, et sous l'action de son souffle naquirentla terre et l'eau, chacune de son ct.Nzam a fait toutes choses : le ciel, le soleil, la lune, les toiles,

    les animaux, les plantes, tout. Et quand il eut termin tout ceque nous voyons maintenant, il appela Mbre et Nkwa et leurmontra son uvre : Ce que j'ai fait est-il bien ? leur demanda-t-il. Oui, tu as bien fait, telle fut leur rponse. Reste-t-il encore quelque autre chose faire ?Et Mbre et Nkwa lui rpondirent :

  • LGENDES COSMOGONIQUES

    Nous voyons beaucoup d'animaux, mais nous ne voyons

    pas leur chef ; nous voyons beaucoup de plantes, mais nous ne

    voyons pas leur matre.

    Et pour donner un matre toutes choses, parmi les cra-

    tures, ils dsignrent l'lphant, car il avait la sagesse ; le tigre,

    car il avait la force et la ruse; le singe, car il avait la malice et la

    souplesse.^ -m

    Mais Nzam voulut faire mieux encore, et eux trois, ilsfirent une crature presque semblable eux : l'un lui donna laforce, l'autre la puissance, le troisime la beaut. Puis, eux trois : Prends la terre, lui dirent-ils, tu es dsormais le matre

    de tout ce qui existe. Comme nous, tu as la vie, toutes choses tesont soumises, tu es le matre.

    Nzam, Mbre et Nkwa remontrent en haut dans leur de-meure, la nouvelle crature resta seule ici-bas et tout lui obissait.

    Mais entre tous les animaux, l'lphant resta le premier, letigre eut le second rang et le singe le troisime, car c'taient eux

    que Mbre et Nkwa avaient d'abord choisis.Nzam, Mbre et Nkwa avaient nomm le premier homme

    Fam, ce qui veut dire la force.Fier de sa puissance, de sa force et de sa beaut, car il dpas-

    sait en ces trois qualits l'lphant, le tigre et le singe, fier de

    vaincre tous les animaux, cette premire crature tourna mal ;elle devint orgueil, ne voulut plus adorer Nzam et elle le mpri-sait :

    Yy, oK la, yy.Dieu en haut, l'homme sur terre,Yy, oh, la, yy.Dieu cest DieuL'homme c'est l'homme.Chacun la maison, chacun chez soi.

    Dieu avait entendu ce chant : il prta l'oreille : Qui chante ? Cherche, cherche, rpond Fam. Qui chante ? Yy,oh, la, yy. Qui chante donc ? Eh ! c'est moi, crie Fam.

    Dieu, tout colre, appelle Nzaln, le tonnerre : Nzaln,

    viens !a r

    Et Nzaln accourut grand bruit : Boo, boo, boo. Et la

    feu du ciel embrasa la fort. Les plantations qui brlent, auprsde ce feu-l, c'est une torche d'amone. Fiii, fui, fiii, tout flam.-

  • LGENDES COSMOGONIQUES

    bait. La terre tait comme aujourd hui couverte de forts, lesarbres brlaient, les plantes, les bananiers, le manioc, mme lespistaches de terre, tout schait ; btes, oiseaux, poissons, tout futdtruit, tout tait mort ; mais par malheur, en crant le premierhomme. Dieu lui avait dit : Tu ne mourras point. Ce queDieu donne il ne le retire pas. Le premier homme fut brl ;ce qu'il est devenu, je n'en sais rien ; il est vivant, mais o ?mes anctres ne me l'ont point dit ce qu'il est devenu, je n'ensais rien, attendez un peu.Mais Dieu regarda la terre, toute noire, sans rien du tout, pares-

    seuse ; il eut honte et voulut faire mieux. Nzam, Mbre etNkwa tinrent conseil dans leur abgne, et ils firent ainsi : sur laterre noire et couverte de charbons, ils mirent une nouvellecouche de terre ; un arbre poussa, grandit, grandit encore, etquand une de ses graines tombait par terre, un nouvel arbre nais-sait, quand une feuille se dtachait, elle grandissait, grandissait,commenait marcher, et c'tait un animal, un lphant, un tigre,une antilope, une tortue, tous, tous. Quand une feuille tombait l'eau, elle nageait, et c'tait un poisson, une sardine, un mulet,un crabe, une hutre, une moule, tous, tous. La terre redevintce qu'elle avait t, ce qu'elle est aujourd'hui encore. Et la preuve,mes enfants, que mes paroles sont la vrit, c'est que si, en cer-tains endroits, vous creusez la terre, dessus mme parfois, voustrouverez une pierre dure, noire, mais qui casse ; jetez-la au feu,et la pierre brlera. Cela vous le savez parfaitement :

    Le sifflet retentit,Ulphant vient.Merci Vlphant.

    Cette pierre, ce sont les restes des anciennes forts, des fortsbrles. Cependant Nzam, Mbre et Nkwa tenaient conseil : Il faut un chef pour commander les animaux, dit Mbre. Assurment il en faut un, dit Nkwa. Vraiment, repritNzam, nous referons un homme, un homme comme Fam,mmes jambes, mmes bras, mais nous lui tournerons la tte etil verra la mort. Et ainsi fut fait. Cet homme-l, mes amis, c'estcomme vous, c'est comme moi.

    Cet homme qui fut ici-bas le premier des hommes, notre pre tous, Nzam le nomma Skottm, mais Dieu ne voulut pas lelaisser seul. Il lui dit : Fais-toi une femme avec un arbre. Skoum

  • LGENDES COSMOGONIQUES

    se fit une femme, et elle marcha et il l'appela Mbongw.En fabriquant Skoum et Mbongw, Nzam les avait com-

    poss de deux parties : l'une extrieure, celle-l, vous l'appelezGnoul, corps, et l'autre qui vit dans le Gnoul et que nous appe-lons tous Nsissim.

    Nsissim, c'est ce qui produit l'ombre, l'ombre et Nsissim,

    c'est la mme chose, c'est Nsissim qui fait vivre Gnoul, c'estNsissim qui va se promener la nuit quand on dort, c'est Nsis-sim qui s'en va quand l'homme est mort, mais Nsissim ne meurtpas. Tant qu'elle est dans son Gnoul, savez-vous o elle demeure ?Dans l'il. Oui, elle demeure dans l'il, et ce petit point brillantque vous voyez au milieu, c'est Nsissim.

    L'toile en haut.

    Le feu en bas.Le charbon dans Vtre,L'me dans l'il.Nuage, fume et mort.

    Skoum et Mbongw vivaient heureux ici-bas, et ils eurenttrois fils, qu'ils nommrent, le premier Nkoure (le sot, lemauvais), Bkal, le second (celui qui ne pense rien), etcelui-ci porta sur son dos Mfre, le troisime (celui qui estbon, habile). Ils eurent aussi des filles, combien ? je ne saispas, et ces trois eurent aussi des enfants, et ceux-l des enfants.Mfre, c'est le pre de notre tribu, les autres, les pres desautres.

    Mais cependant Fam, le premier homme. Dieu l'enferma sousla terre, puis avec un norme rocher il boucha le trou ; ah ! lemalin Fam, longtemps, longtemps il creusa : un beau jour, iltait dehors. Qui avait pris sa place ? Les autres hommes. Quifut en colre contre eux ? Fam. Qui cherche toujours leur fairemal ? Fam. Qui se cache dans la fort pour les tuer, sous l'eaupour faire chavirer leur pirogue ? Fam, le fameux Fam. Silence !Ne parlons pas si haut, peut-tre est-il l qui nous coute :

    Demeurez en silence,Fam est aux coutes.Pour chercher misre aux hommes ;Demeurez silencieux.

    Puis aux hommes qu'il avait crs, Dieu donna une loi. Appe-

  • LGENDES COSMOGONIQUES

    lant Skcum, Mbongw et leurs iils, les appelant tous, petitset grands, grands et petits : A Tavenir, leur dit-il, voici les lois que je vous donne, et

    vous obirez : Vous ne volerez point dans votre tribu. Vous ne tuerez point ceux qui ne vous font pas de mal. Vous n'irez pas manger les autres la nuit.

    C'est tout ce que je demande ; vivez en paix dans vos villages.Ceux qui auront cout mes commandements seront rcompenss,je leur donnerai leur salaire, les autres, je les punirai. Ainsi.

    Com.ment Dieu punit ceux qui ne l'coutent pas, voici :Aprs leur mort, ils vont errant dans la nuit, souffrant et

    criant, et pendant que les tnbres couvrent la terre, l'heureo l'on a peur, ils entrent dans les villages, tuant ou blessantceux qu'ils rencontrent, leur faisant tout le mal qu'ils peuvent.On fait en leur honneur la danse funbre kdzam-kdzam, a

    nV fait rien du tout. Sur le d, on leur apporte les meilleursplats ; ils mangent et rient, a n'y fait rien du tout. Et quandtous ceux qu'ils ont connus sont morts, alors seulement ilsentendent Ngfi, Ngfi, l'oiseau de la mort ; ils deviennentaussitt tout maigres, tout maigres, et les voil morts ! O vont-ils mes enfants ? Vous le savez comme moi, avant de passer legrand fleuve, longtemps, longtemps ils restent sur une grossepierre plate : ils ont froid, grand froid, brou..

    Le froid et la mort, la mort et le froid.Je veux fermer l'oreille.Le froid et la mort, la m.or et le froid.Misres, ma mre.

    Et quand tous, ils ont pass, les miaheureux Bkoun, pourlongtemps, longtemps, Nzam les enferme dans l'Ototolane, lesjcur mauvais c l'on voit des misres, des misres...Quant aux bons, on sait qu'aprs leur mort ils reviennent

    dans les villages ; mais ils sont contents des hommes, la ftedes funrailles, la danse du deuil rjouit leur cur. Pendant lanuit, ils reviennent prs de ceux qu'ils ont connus et aims, leurmettent devant les yeux des songes agrables, leur disent com-ment il faut faire pour vivre longtemps^ acqurir de grandesrichesses, avoir des femmes fidles (vous entendez, vous autres,l-bas, la porte), avoir beaucoup d'enfants et tuer de nombreux

  • LGENDES COSMOGONIQUES

    animaux la chasse. Le dernier lphant que j'ai abattu, c'estcomme cela, mes amis, que j'avais appris sa venue.

    Et quand tous ceux qu'ils ont connus sont morts, alors seule-ment ils entendent Ngfi, Ngfi, l'oiseau de la mort ; ilsdeviennent aussitt tout gros, tout gros, trop mme, et les voilmorts ! O vont-ils, mes enfants ? Vous le savez comme moi.Dieu les fait monter en haut, et les place avec lui dans l'toiledu soir. De l, ils nous regardent, ils nous voient, ils sont con-tents lorsque nous ftons leur souvenir, et ce qui rend l'toilesi brillante, ce sont les yeux de tous ceux qui sont morts.Ce que les anctres m'ont appris, le voil : et moi, Ndou-

    memba, c'est mon pre Mba qui me l'a enseign, lequel le tenaitde son pre, et le premier le tenait d'o, je n'en sais rien, je n ytais pas. Ainsi.

    3. LA LGENDE DE LA SPARATIONEn ce temps-l, il y a bien longtemps, les hommes n'taient

    pas encore bien nombreux sur la terre. Non, ils n'taient pasnombreux, et toutes les familles de la tribu habitaient le mmegrand village. Le Crateur avait fait les hommes, puis aprs euxle gorille, et puis le singe, et puis les nains de la fort, et puisles autres animaux, et tous vivaient ensemble dans le mme grandvillage : la paix rgnait parmi eux, et c'tait Ndun qui lescommandait tous. Quand il y avait une palabre, soit entre leshommes, soit entre les animaux, on comparaissait devant lui et iljugeait avec sagesse, car il tait vieux et prudent et ses frresl'aidaient. Souvent le Crateur descendait au village et on luirendait les honneurs qui lui taient dus, et il s'entretenait avecNdun. La paix rgnait au village et le Crateur tait content.Bonnes sont les paroles des anciens !Mais la dispute vint bientt. Elle vint lorsque parmi les femmes

    il y eut beaucoup de vieilles et qu'il y eut aussi beaucoup dejeunes. En allant aux champs, les vieilles marchaient vite, vite,et les jeunes devaient suivre. Arriv aux plantations, il fallaittravailler, travailler beaucoup. Les vieilles chargeaient les jeunes,et celles-ci s'en plaignaient ; mais leurs maris leur donnaienttort et Ndun galement.Le travail est pour les femmes, pour toutes les femmes !

  • LGENDES COSMOGONIQUES

    Mais le matin ce n'tait pas la mme chose. Quandle vieux chef tait sorti de sa case, quand le coq avait lissses plumes et lanc son appel du sommet d'un toit, toutesles femmes, selon l'ordre qu'elles avaient reu, prenaient lesgrandes jarres et allaient la fontaine chercher de l'eau. Cettefontaine tait au fond de la valle, car Ndun avait tabli sonvillage sur le haut de la colline pour tre plus prs du soleil quirchauffait son vieux corps. Le soleil est une trs bonne chose.Le soleil brille, l'lphant vient au monde !Toutes les femmes allaient chercher de l'eau, les jeunes et les

    vieilles. Les jeunes allaient vite, vite et les plus vieilles douce-ment, doucement, car elles avaient peur de tomber (elles taientbien dix et dix et dix au village, et mme beaucoup plus, jen'tais pas l et je ne les ai pas comptes, mon pre tient cettehistoire de son grand-pre, et ce n'est pas lui qui l'a imagine, ellevient de bien avant). Ds qu'elles arrivaient la fontaine, lesjeunes femmes et les filles se htaient de puiser l'eau plein leursjarres, puis elles entraient dans l'eau et se baignaient et dansaientdans l'eau. Quand les vieilles femmes arrivaient, l'eau de la fon-taine tait trouble ; comme elles taient presses de remonter, illeur fallait puiser l'eau et la terre. Quand le mari voulait boire, ilne trouvait qu'une eau vaseuse et il criait trs fort. Les vieillesavaient beau dire, il criait trs fort, et aprs quelques reprochesfaits aux jeunes femmes, tout continuait comme par le pass.Les vieilles femmes taient mchantes le soir, et les jeunesencore plus mchantes le matin.

    Or, un matin les jeunes femmes s'taient encore plus htesque les autres jours ; les vieilles, elles, allaient doucement, dou-cement, car il avait beaucoup plu cette nuit-l et le sol tait glis-sant. Quand elles arrivrent la fontaine, les jeunes femmesavaient dj puis l'eau et elles avaient fini de se baigner ;quand les vieilles survinrent, les jeunes se mirent chanterpour se moquer d'elles. Et elles chantaient :

    Allez, allez, celle qui est la premire.Quelle regarde celle qui est en queue,

    Courez vite ! htez-vous !Les jointures des os crient : Kwark, Kwark.Ah ! oh ! h ! les fruits sont mrs !

    Elles se moquaient des autres et elles chantaient : Bow,

  • LGENDES COSMOGONIQUES

    bow ! Les vieilles femmes taient furieuses ! Elles avaient eubeau se hter, elles tiient enco t les dernires et quand enfin ellespurent descendre puiser l'eau, les jeunes femrnes taient djparties, l'eau tait boueuse. Ah non ! les vieilles femmes n'taientpas contentes du tout ! Et alors, elles remontrent au village :

    Oh ! Ya ! Oh ! Ya ! Oh ! Ya! Phii! Phii ! Soulevez la charge !La colline est dure, phii !Le soleil est chaud, phii !Ah ! Je suis vieille, phii !

    Et quand les pauvres vieilles arrivrent en haut tout essouffles,tout haletantes, les jeunes femmes, assises sur le seuil des cases,se gaussaient d'elles et chantaient l'ironique refrain :

    Ah ! oh, h ! les fruits ont fini de mrir, ah ! oh , oh !

    Endurer pareil affront, subir journellement pareils outrages,les matrones s'en sentaient incapables, et bientt les coups depleuvoir : Yi, y, y, l^ivas, kuas. Yi, y ! Et les craches volaient, lesang coulait. Les unes pleuraient, et les autres boitaient... Lasituation ne pouvait durer amsi. Chaque jour, nouvelles dis-putes, chaque jour, nouveaux coups. Et bientt, naturellement,les hommes se mirent de la partie. Les jeunes prenaient partipour les jeunes, les vieux prenaient parti, qui pour les vieilles,qui pour les jeunes.Le chef du village dit : Cela ne peut pas durer ainsi !Tous les guerriers furent du mme avis. Cela ne

    pouvait durer ainsi ! D'autant plus que les femmes, jeunes etvieilles, perdaient maintenant tout leur temps fabriquer denouvelles jarres, tant on en cassait. Pour aller chercher de la terre poterie, il y avait loin, loin. Les hommes n'taient pas contents.Et les femmes taient encore plus fches.Le vieux chef du village appelle donc le sonneur de trompe :

    Prends ta trompe, lui dit-il, et parcours le village, en appelantles hommes. Le sonneur preiid sa trompe d'ivoire et parcourttout le village, en appelant les hommes. Ils viennent tous dans lacase du grand chef et prennent place sur les nattes. Lesfemmes viennent aussi, mais on les fait rester dehors, commec'est la loi, et elles regardent par les fentes des bambous et ellescoutent aussi.La dlibration est longue, chacun prenant parti pour les

    10

  • IJtGENDES COSMOGONIQUES

    siens. Finalement il fut dcid ceci : tour de rle, chaquegroupe descendrait chercher de l'eau le premier. Le premier

    jour, les vieilles femmes devaient descendre d'abord, lesjeunes ensuite : le second jour, les jeunes d'abord, les vieillesaprs. Et l-dessus, on se spar,;.

    Le lendemain matin, les jeunes femmes, jarre sur le dos, atten-daient impatiemment... Au tour des vieilles d'abord... Et voilbien une autre affaire... les jeunes attendaient, attendaient, etpersonne ne voulait plus tre vieille !...

    Et les disputes recommencrent...Si bien, que ne pouvant arranger la chose, le vieux chef rsolut

    d'aller au village du Chef de la Race, du Crateur universel,pour lui exposer la palabre. Il ordonne donc sa femme de luifaire cuire des bananes, les enveloppe dans des feuilles d'amone,

    y joint un morceau de sanglier, relve son pagne... le voil parti.Bv, bv, il marche, bv, bv, il marche longtemps. Il est

    content dans son cur, car les prsages ont t favorables. Enpartant, l'oiseau mbva a chant sa droite, et les cigales fifl'ont salu au passage. Le soleil a dpass le milieu du cieLLe vieux chef monte la grande colline, il monte grand'peine,car le chemin est dur. Il arrive, enfin la grande caverne duTonnerre. Dans sa main, il tient le ftiche protecteur, et en

    mme temps, il chante le chant consacr, le chant qui met .l'abri des fureurs de l'esprit Nzaln :

    Nzaln, Nzaln, Tonnerre, pre et seigneur, seigneur !Pre, coute favorablement les prires et accueille les dons.

    J'ai mang le mlan, je suis initi.Et je suis consacr aux prtres de la nuit.

    Ecoute, Tonnerre, Pre, Seigneur, Nzaln l

    Le vieux chef a dpass la caverne : il arrive au village du DieuCrateur, et le voici en sa prsence. Voici Mbola, lui dit-il.

    Et Nzam lui rpond : Mbola, chef des hommes. Tu esvenu ? Oui, je suis venu, et voici ma requte. Dans mon village,

    la paix s'est enfuie, les femmes ne veulent plus obir, les hommesn'coutent plus m.a voix. Que faire ?

    Et Nzam lui demande : Pourquoi les femmes ne veulent-elles pas obir ? pour-

    quoi les hommes n'coutent-ils plus ta voix ?

    11

  • LGENDES COSMOGONIQUES

    Et le vieux chef, appuy sur son bton, droule sa barbe tresseet commence son discours : Dieu, crateur, matre detout, tu m'as fait chef du village des hommes, cela, c'est bien !Tu as cr les hommes, c'est encore bien ! mais tu as cr lesfemmes, cela, ce n'est pas bien. Les hommes gardent la paixentre eux, mais avec les femmes, il n'y a pas moyen. C'est toiqui nous as crs, toi de nous rendre la paix.Femme et porc-pic, c'est une seule et mme chose !Et Nzam lui rpond : Je te la rendrai. Bien, reprend le chef, tu le peux, car tu es le Tout-Puis-

    sant, mais sans cela...Et ce jour-l, Nzam et le vieux chef des hommes demeurrent

    ensemble. Ce qu'ils se dirent, il serait trop long de vous le racon-ter ce soir... et puis, je n'y tais pas.Le lendemain, le vieux chef des hommes vi'nt dire a. Nzam: Je m'en vais. Et celui-ci : Je vais avec toi. Et ils par-

    tent ensemble. Longtemps, longtemps, ils descendent, et lesoir enfin ils arrivent au village des hommes o tout le mondedormait. Et Nzam dit au chef : Ne rveille personne,n'annonce ma prsence personne, demain, je veux juger parmoi-mme de la querelle de ces femmes. Et amsi que Nzaml'avait ordonn, ainsi fit le vieux chef. Et ils dormirent.Au matin, les femmes descendent la rivire chercher de

    l'eau. Les jeunes, ce jour-l, descendent les premires, etles disputes recommencent bien vite. Du haut de la colline,Nzam considre le spectacle. Et le vieux chef lui dit : Queferas-tu ? Mais Nzam rpond C'est moi qui suis l'ordon-nateur de toutes choses. '

    L'uf de la poule n'en remontre pas sa mre !Et quand les femmes sont remontes au village, Nzam rait

    appeler le sonneur de trompe. Parcours le village, lui dit-il,et fais comparatre tous les hommes devant moi. Appelle aussitoutes les femmes, et fais-les comparatre devant moi.

    Et tous les hommes viennent, et toutes les femmes viennentaussi. Et Nzam, apparaissant tout coup au milieu de l'assem-ble, le vent tomb", et chacun sent le froid de la mort dansson cur. Tous ont trs peur.Nzam prend la parole: C'est moi l'crdonnateur de toutes

    choses.

    12

  • LGENDES COSMOGONIQUES

    Et l'assemble tout entire reprend: C'est toi l'ordonnateur

    de toutes choses, oui

    Ta es Vordonnateur de toutes choses, ou !Tu es Vordonnateur de toutes choses, oui, oui !

    C'est bien, dit Nzam, et je suis venu mettre la paix aumilieu de mes enfants. Tu es venu mettre la paix au milieu de tes enfant?, oui ! Voici donc ce que vous allez faire. Voici donc ce que nous allons faire, oui, oui ! Vous tes devenus trop nombreux pour vivre sur la name

    colline, et vous m'avez dsobi. Je vous avais dit : Vous vivrez

    en paix et sans faire de disputes. Vous n'avez pas obi.

    Les hommes l'interrompent en criant : Ce sont les femmesqui ont dsobi.

    Mais Nzcm leur impose silence : Restez silencieux, c'estvous qui tes les matres. L'homme est rhomm;i, la femme estla femme. Vous allez donc vous sparer, les uns iront droite,les autres iront gauche. Les uns iront en avant, les autres iront

    en arrire, et vous resterez en paix.

    Mais le vieillard Ndun, le chef de la race, a beaucoup depeine dans son cur en entendant ces paroles, et ii tomba enarrire, et il est comme mort. Ses femmes crient et com-mencent les lamentations funbres ; mais Nzam dit : J 'aipris Ndun avec moi ; parce qu'il est votre pre, il doit rester avecnous ! C'est moi le matre de la vie et de la mort.

    Et tous reprennent : C'est toi le Matre de la vie. C'est, toile Matre de la mort. Oui ! Oui ! Oui !Mais le Crateur : Ndun est encore vivant ; mais il ne peut

    rester amsi avec vous.Les hommes ne comprennent pas. Le Crateur rpte : Les

    uns iront droite, les autres iront gauche et ce sera la spara-

    tion. Les uns iront droit devant eux et les autres s'en iront en

    arrire, et vous resterez en paix.

    Et les hommes lui rpondent : C'est bien. Mais les animaux,que feront-ils ? Resteront-ils au village ?

    Et le Crateur : Prenez avec vous ceux que vous voudrez.Et ils choisissent le chien et la poule. Et le chien et la poule

    restent avec eux. Pour les autres, le Crateur dit : Je vaisles renvoyer dans leurs forts. Les hommes rclament : Ils

    13

  • LGENDES COSMOGONIQUES

    nous feront du mal. Mais le Crateur rpond : Allez dormirdans vos cases, car voici que la nuit est venue. Demain vous verrez les choses .

    Et le lendemain, ils virent les choses . Et elles taient deux.La premire, c'est celle-ci. En rentrant dans sa case, Ndun, le

    pre de la race, eut froid dans son cur, car son peuple allait lequitter, et il dit sa femme prfre: Je suis mort. Il se couchesur son lit. Le lendemain, il tait froid partout et les femmesdirent : Il est mort. Nzam dit : Je le sais, c'est moi, leMatre de la vie, c'est moi, le Matre de la mort. J'ai pris Ndun.Faites les funrailles.On fit les funrailles. Les femmes commencent les lamenta-

    tions et le chant de mort. Ce chant de mort, vous le connaissez,nous l'avons gard.

    Chant de la Mort

    Pre, hlas, hlas, pourquoi, 6 pre, ahandonnes-tu ion foyer ?Un homme t'a tu, pre !Vous chercherez la vengeance de sa mort...Ton ombre va passer sur la rive oppose.

    pre, pourquoi abandonnes-tu ton foyer, pre !Le ciel s'est clair, les yeux se sont obscurcis.L'eau est tombe de l'arbre goutte goutte, le rat est sorti de son trou.

    Voyez c'est la maison du preCueillez les herbes funraires.

    Aspergez du cot droit, aspergez du ct gauche...Un homme voit maintenant les choses invisibles.

    Aprs le chant de mort, le Crateur ordonne : Prenez deuxfemmes, une vieille et une jeune.

    Et on les pr nd . Et le Crateur dit : Faites couler leursang, car c'est moi, le Matre.On fait coul r leur sang et elles meurent. Et quand elles

    sont mortes, le Crateur dit ; Creusez une grande fosse.On creuse une grande fosse. Puis le Crateur ordonne : Mettez Ndun au fond.

    Et quand il y ef:t tendu : Maintenant, brlez les deuxfemmes. Et on les brle.

    Et quand elles sont brles, le Crateur dit : Ceci, c'estle sacrifice. Et ainsi vous ferez encore quand je l'ordonnerai :je suis le Matre.

    14

  • LGENDES COSMOGONIQUES

    Ils rpondent tcus : Tu es le Matre. Oui !Nzam dit encore : C'est bien : prenez les cendres et gar-

    dez-les avec vous ! c'est le signe du mystre. Je vous protgerai.Prenez ce qui reste des femmes et jetez-le sur le corps de Ndun.Et on le jette. Excutez maintenant les danses funbres.Quand elles sont danses, le Crateur dit encore : La nuito Ndun est mort, quel animal avez-vous vu en songe ? Etchaucn avait vu un animal. Nzam l'avait ainsi voulu.

    Et chaque homme nomme donc un animal, et Nzam dit : C'est bien. Il lve le doigt et dit seulement : Je veux !

    Et les animaux accourent, un de chaque espce, cornme chaquehomme l'avait rv, et il y en avait une grande quantit. Chaqueanimal vimt se ranger auprs de chaque homme, commechacun l'avait rv.Le Crateur dit : Que le sang coule. Chaque homme prend

    son couteau de sacrifice et trancha le cou de l'animal : le sangcoule, coule et couvre la colline.

    Mais les enfants de Ndun rclament : Pourquoi, nousautres, n'avons-nous pas d'animal ? Le Crateur leur rpond : Votre tte est vide. N'tes-vous pas les fils de Ndun et mesenfants ? Votre pre tait le lzard que j'ai fait au commence-ment des choses, quand il n'y avait encore rien ! Que rclamez-vous ? Je suis fatgu !

    Et les fils de Ndun se tai-ent, car le Crateur est encolre, et parce qu'ils cm les cendres de leur pre Ndun. Ilsne soufflent plus un mot. Le sang des animaux coule, coule etcouvre toute la colline.

    Mais des hommes se tenaient l, qui n'avaient pas eu leuranimal. Le Crateur leur dit : C'est bien. Allez couper lesarbres que vous avez vus en songe. Ils vent les couper etreviennent avec le bois. Le Crateur dit : C'est bien.

    Et ces hommes, en effet, n'avaient pas vu d'animal dans leurssonges, mais ils avaient vu des arbres, chacun un arbre, chacunun arbre. Et l'on met tout ce bois l'un sur l'autre, arbre sur arbre,arbre sur arbre, arbre sur arbre. Et les autres animaux taient l,venus de tous les villages. Puis le Matre de la vie dit encore : Mettez les animaux sur le bois.On fait com.me il l'a ordonn, et tout d'un coup la chose que

    nous appelons maintenant feu s'lve, et voici comment.Lorsque tous les animaux sont placs sur le bois, et il y en

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  • LGENDES COSMOGONIQUES

    avait beaucoup, beaucoup, le Crateur fait un signe, et le tonnerrevi:nt: il clate, et l'clair vient aussi ; l'clair brille, et aussitt on

    voit une grande flamme s'lever, et le bois brle. Et le Matredit : C'est le feu. Les hommes disent : Oui, c'est bien.Le feu est bon. Et le fils an de Ndun chante le chant du feu,le chant que vous connaissez tous. C'est le fils de Ndun quia chant le feu le premier.

    Chant du Feu

    Feu, feu, feu du foyer d'en bas, feu du foyer d'en haut.Lumire qui brille dans la lune, lumire qui brille dans le soleil.Etoile qui tincelle la nuit, toile qui fend la lumire, toile filante.Esprit du tonnerre, il brillant de la tempte.Feu du soleil qui nous donne la lumire,Je t'appelle pour l'expiation, feu, feu.

    Feu qui passe, et tout meurt derrire tes traces,Feu qui passe, et tout vit derrire toi.Les arbres sont brils, cendres et cendres.

    Les herbes ont grandi, les herbes ont fructifi.Feu ami des hommes, je t'appelle, feu pour l'expiation.

    Feu, je t'appelle, feu protecteur du foyer.Tu passes, ils sont vaincus, nul ne te surpasse,Feu du foyer, je t'appelle pour l'expiation.

    Lorsque tous les animaux sont consums, les hommes,selon l'ordre qu'ils avaient reu, recueillirent les os calcins, etaprs les avoir broys en poudre les gardrent avec les cendres deNdun, chacun sa part, chacun sa part. Et le Crateur leur dit : Cela, c'est l'alliance de l'union. Tous les hommes di:ent : Nous l'aimons ainsi. Nous sommes frres de race.

    Aprs cela, on jette les cendres sur le corps de Ndun, et quandla fosse est comble, le Crateur ajoute : Allez chercher despierres.

    On va chercher des pierres, et on les met sui la fosse, et lespierres s'lvent trs haut, trs haut. Le Crateur dit : Voille Signe. Quand, en voyage, vous verrez l'endroit o repose unhomme, vous jetterez une pierre ou une branche ou une feuille,et vous ferez ainsi.

    Les hommes rpondent : Nous ferons ainsi. Oui !

    16

  • LGENDES COSMOGONIQUES

    Et quand les pierres sont en tas, trs haut, trs haut, leCrateur dit aux hommes : C'est ici la sparation et il faut sesparer. Les hommes partent donc, les uns droite, les autres gauche, les uns partent en avant, les autres en arrire, et nulne reste.

    Et ceci est la premire chose.La deuxime, ia voici. Elle arriva au moment o les hommes

    allaient se sparer. La deuxime chose, la voici donc :Le Crateur dit aux hommes : C'est fini. Je ne m'occuperai

    plus de vous.Ils rpondent : Pardon, oh ! pardon. Tu es notre Pre et

    notre Gardien. Mais le Crateur leur rplique : L'Esprit dela Race demeurera avec vous, fort et puissant : il vous gardera.Tous disent : Mais la nuit est venue. Vous irez donc dansvos cases et vous dormirez.Tous les hommes vont dans leurs cases et dorment. Le

    lendemain au matin, ils reviennent dans la case commune, et leCrateur demande : Vous avez eu les songes ?

    Ils rpondent : Nous avons eu les songes.Et le Crateur demande : Quel animal avez-vous vu dans

    votre songe ?Et chaque homme avait vu le mme animal qu'il avait immol

    Ndun. Le Crateur l'avait voulu ainsi, car il dit : C'est bien,je'suis le Matre de la vie et le Matre de la mort. Sortez dansla cour du village.

    Ils sortent donc, et voici que les animaux viennent aussi,chacun auprs de chaque homme, comme chacun l'avait rv.Les autres animaux restent dans leurs villages.Le Crateur dit : Prenez vos couteaux de sacrifice et faites

    couler votre propre sang.Chacun prind son couteau de sacrifice et fait couler son propre

    sang. Et il dit encore : Prenez vos couteaux de sacrifice etfaites couler le sang de l'animal.

    Et ils font ainsi. Prenez le sang de l'animal et mlez-leau vtre.

    Et ils font ainsi.Mais beaucoup ne sont pas satisfaits. Tous voudraient

    le tigre comme frre de sang. Alors le Crateur ajouta : Neregardez pas l'enveloppe : chaque chose a sa vertu particulire.Je suis votre Pre.

    17

  • LGENDES COSMOGONIQLTES

    Et ainsi fut fait.

    Et le lendemain, tous se sparent, chacun avec son animalparticulier. Les autres animaux partent dans la fort, abandon-nant le village o ils vivaient tous ensemble, et chacun fonde sapropre famille. Chaque homme part, emmenant avec lui safamille, et personne ne reste au village, et chaque famille a sonanimal ; c'est en lui qu'entre, aprs la mort, la vertu de larace.

    Et voil pourquoi, nous autres Ndun, nous avons le Crocodile.C'est fini.

    4. LA LGENDE ^DE BINGOUn jour, il arriva que Nzam descendit sur la terre. Il se pro-

    menait au bord du fleuve, assis dans un canot qui marchait toutseul, tout seul. Nzam ne pagayait pas. Il accoste prs d'un grandvillage, voulant monter l'abgne pour interroger les hommes.Mais voici qu'une jeune fille vient puiser de l'eau la fontaine.Nzam la voit et l'aime, car elle tait bonne travailleuse et ardente l'ouvrage non moins que jolie. Il lui donn: un fils et l'emmneavec lui, bien loin, bien loin, dans le pays d'o l'on ne revientpas. Mboya, c'tait le nom de la jeune fille, Mboya ne revintjamais de ce pays.Quand son temps fut arriv, Mboya eut un fils et l'appela

    Bingo ; pourquoi, je n'en sais rien, personne ne rne la dit, cedoit tre un nom de l-bas. Bingo grandissait, grandissait chaquejour, et Mboya l'aimait plus que tout au monde. Dans sescheveux, elle mettait l'iilli, la fleur aime des oiseaux; dans sonpetit nez, elle passait une torsade de perles ; son cou et ses brastaient orns de bracelets de cuivre soigneusement fourbischaque matin.

    Bingo grandissait, grandissait toujours, et Mboya 1 aimaitplus que tout au monde.Nzam en conut une grande colre, et, un jour, irrit de ce

    que l'enfant Bingo avait vol un poisson dans sa propre rserve,il attache Mboya dans la case, empoigne Bingo et le prcipited'en haut.

    Bingo tombe, tombe longtemps : dj il cet presque mort,quand les flots de la grande eau par del les montagnes s en-tr'ouvrent sous son corps, heureusement pour lui. Bien mieux

    18

  • LGENDES COSMOGONIQUES

    encore, il se trouve qu'il nV&t pas trop loin du rivage : unpcheur tait dans sa barque, avec ses filets pour attraper dupoisson. Il recueille Bingo et l'emmne dans sa case. Le nom duvieillard, c'tait Otoym.A peine Nzcm avait-il jet Bingo que Mboya se prcipitait

    son secours. Parfois, la nuit, avez-vous vu dans la fort uneflamme errante qui va et l s 'agitant ? Avez-vous entendu unevoix de femme qui s'en va bien loin, appelant, appelant sous lesramures ? Ne craignez rien ! c'est Mboya qui cherche sonenfant, Mboya qui jamais ne l'a retrouv. Une mre ne selasse pas.

    Bingo tomb, Mboya partie, Nzam se prcipite son tour,il veut tout prix retrouver Bingo.Sur mer, il le cherche : Mer, mer, as -tu Bingo ?Sur terre, il le cherche : Terre, terre, as-tu Bingo ?Et la terre et la mer rpondent ; Non, non.Impossible de le trouver. Otoym, le grand sorcier, avait

    reconnu la haute naissance de Bingo, et ne voulant point lelivrer, il lavait cach avec soin.

    Bingo et l'Araigne

    Au fond d'une caverne, Bingo s'est rfugi ; la caverne estprofonde et noire, Bmgo dit en son cur : L, je suis en sret.Et il y demeure longtemps.Nzam cependant continuait sa poursuite acharne, et chaque

    jour il disait : Je retrouverai Bingo et je mangerai son cur.Mais Bingo tait dans la profonde caverne, au milieu de la fort.Nzcm arrive dans la fort : il rencontre le cam.lon. Camlon, as-tu vu Bingo ?Mais celui-ci qui ne veut pas se compromettre, rpond : J'ai bien vu passer un homme, mais qui m'et dit son nom ? Et o allait-il, oi est son village ? Il allait tantt ici, tantt l ; son village est de l'autre ct

    de la fort. Et de cela, y a-t-il longtemps ? Les jours sont longs, chaque jour est un long temps, oui,

    il y a longtemps.Nzam s'en va, dpit, et tandis qu'il cherche et l les traces

    de Bingo, le camlon court la caverne :

    19

  • LGENDES COSMOGONIQUES

    Bingo, ton pre te cherche, prends garde.

    Et il s'en va un peu plus loin, sur le haut du rocher.Bingo, averti, eface soigneusement les traces de ses pas sur

    h sol, puis va dans un sentier frquent, sur un sol dur,et de lretourne sa caverne. Mais il a soin de marcher reculons, ledos le premier. Il arrive la caverne et se cache au fond : tout

    aussitt, Ndanabo, l'araigne, tend sa toile l'entre, une toilepaisse et forte et, dans les fils de la toile. Camlon, en hte,jette les mouches et les insectes.Nzam a continu sa poursuite ; il rencontre Vire, le serpent. Vire, as-tu vu Bingo ?Vire rpond : Oui, oui. Est-il dans la caverne de la fort ? Oui, oui.Nzam hte sa marche ; il arrive prs de la grotte. Qu'est

    ceci, dit-il, des pas qui s'en vont ? Il voit la toile d'araigne, les

    mouches qui sont prises. Un homme ne saurait tre l !dit-il.

    Et le camlon au haut du rocher ; Ah ! tu es venu ici, bonjour. Bonjour, Camlon. C'est dans cette caverne que tu as vu

    Bingo ? Oui, mais il y a de cela longtemps, longtemps ; il est parti ;

    je crois, du reste, que l'on voit encore terre les empreintes deses pas. De fait, elUs sont l, dit Nzam, je vais les suivre. Cam-

    lon, tu as bien agi.

    t Et Nzam continue sa poursuite.Il est loin, loin, bien loin dj. Bingo sort de la caverne :

    Camlon, dit-il, tu as bien agi. Voici ton paiement : tu auras,dsormais, le pouvoir de changer de couleur volont ; ainsi, tupourras chapper tes ennemis. Et le camlon dit : C'est bien.

    Et Bingo dit l'araigne : Ndanabo, tu as bien agi, queferais-je pour toi ? Rien, rpond Ndanabo, mon cur estcontent. C'est bien, dit Bingo, ta prsence donnera le bonheur.Et il part. Sur son chemin, il trouve Vire, et d'un coup detalon, il lui crasa la tte.

    Il arriva enfin que Nzam, fatigu de sa vaine poursuite,remonta en haut et laissa Bingo tranquille. Celui-ci avait hritde la science de son pre adoptif. Quand Otoym mourt,

    20

  • LGENDES COSMOGONIQUES

    il lava son corps, l'ensevelit avec soin, n^iais iui enleva d'abordle crne pour l'honorer, le garder dans sa maison et le frotterde rouge et d'huile le jour des ftes solennelles. Et c'est pourcela que l'esprit d'Otoym demeure avec Bingo ; c'est Bingo quinous a enseign garder avec nous, dans l'Evara, les crnes desanctres pour honorer et garder leur esprit avec nous. Honte ceux qui ne respectent point les ttes des anciens !Devenu grand, Bingo parcourut le monde, tous les hommes,

    toutes les tribus ; il tait bon et il enseignait aux hommes trebons, faire ce qui est bien. Il oprait toutes sortes de prodiges avecune pierre verte qui! portait au cou. Cette pierre, Nzam y avaitmarqu son nom et l'avait donne sa mre Mboya, le premierjour o il 1 avait vue . Et Mboya son tour avait donn la pierre verte son (ils Bingo. Et quand il le voulait, Bingo quittait son corps ;les flches ne l'atteignaient point, les haches ne le blessaientpas, les bambous empoisonns ne peraient pas son pied nu, etles trsors de la terre lui appartenaient tous. Il aimait les hommesnoirs et les hommes noirs l'aimaient. Ils faisaient ce qu'il voulait,ce qu'il leur ordonnait, et cela tait bien, car Bingo tait bon.

    Et alors Bingo voulut s'en aller bien loin, bien loin ; il partitvers le pays qui est de l'autre ct des montagnes, (je pense bienque ce devait tre chez les blancs) et les hommes de par l, ayantvu Bingo ouvrir la terre et en connatre les trsors, l'pirent dejour et de nuit. A la fin, car Bingo les savait mchants et secachait d'eux, la fin, ils le surprirent un jour, la pierre verte lamain. Et pour ravir ses trsors et possder son secret, ils leturent et prirent la pierre verte, la pierre verte qu'il nous auraitlaisse. Depuis ce temps, les hommes de par del les montspossdent les richesses de la terre ; mais, nous autres, nous avonsgard les lois de Bingo. Mes enfants gardez les coutumes de vosanctres, ce sont les bonnes. J'ai dit.

    21

  • 1i

  • CHAPITRE II

    FTICHISMEPERSONNIFICATIONSP4NTHIST1QUES

  • Dieu, Allah, Souala, Nouala, Ouend, Abasi et Alta,Outnu. Les Malakas, messagers des Dieux.

    Diables, Dmons, Blissi ou Yblis. Mani-pouta, Urezhta.

    5. POURQUOI LE MONDE FUT PEUPL, onte ifik.6. L'ORIGINE DE LA MORT, conte hottentot7. LE MORT ET LA LUNE, conte sand.

    \

    8. LE GENRE HUMAIN, conte mssi.9. LE CIEL, L'ARAIGNE ET LA MORT, onte agni.

  • FTICHISMEPERSONNIFICATIONSPANTHISTIQUES

    5. POURQUOI LE MONDE FUT PEUPL

    Abasi se leva, s'assit l, fit toutes les choses suprieures, toutes

    les choses infrieures, l'eau, la fort, la rivire, les sources, les

    btes de la fort ; il fit toutes les espces de choses dans le mondeentier. Il ne ft pas l'homme.Tous les hommes habitaient en haut, avec Abasi. A ce moment,

    aucun homme n'existait dans ce bas monde ; il n'y avait que lesbtes de la fort, les poissons qui sont dans l'eau, les oiseaux que

    nous voyons dans les airs et beaucoup d'autres tres qu'il n estpas ncessaire d'numrer. Mais l'homme n'existait pas dans lebas monde. Tous les hommes taient en exil, ils habitaient avecAbasi dans son village. Quand Abasi s'asseyait et mangeait, ilsse joignaient lui et Alta.A la fin, Alta appela, Abasi rpondit et elle lui dit: La situa-

    tion telle qu'elle est n'est pas bonne. Tu possdes la terre quiexiste l, tu possdes le ciel qu'ils habitent ici, tu as fait un endroitentier pour y rester et si tu n'y places pas les hommes, ce n estpas bien. Cherche un moyen de placer les hommes sur la terrepour qu'ils y demeurent et y allument du feu, de faon que leciel soit chauff, car le froid y est considrable parce qu'il n y a

    pas de feu sur la terre.

    6. L'ORIGINE DE LA MORT

    La lune meurt et revient la vie. Elle dit au livre : Vatrouver les hommes et dis-leur : < De mme que je meurs etreviens la vie, de mme vous devez mourir et ressusciter. Le livre s'en va trouver les hommes et leur dit : De mme

    que je meurs et ne reviens pas la vie, de mme vous devez mourir

    25

  • PANTHISME

    et ne pas ressusciter. Quand il revient, la lune lui demande : Quel message as-tu port aux hommes ? Je leur ai dit :" De mme que je meurs et ne reviens pas la vie, de mmevous devez mourir et ne pas ressusciter. '> Quoi ! cri la lune, tu as dit cela ? Elle prend un bton et

    le frappe sur la bouche, qui se fend.Le livre fuit et court.

    7. LE MORT ET LA LUNE

    Un vieillard voit un mort sur lequel tombait la clart de lalune. Il runit un grand nombre d'animaux et leur dit: Lequelde vous, mes braves, veut se charger de passer le mort ou la lunesur l'autre bord de la rivire ?Deux tortues se prsentent : la premire, qui a de longues

    pattes, prend la lune et arrive saine et sauve avec elle sur la riveoppose ; l'autre, qui a de petites pattes, emporte le mort et se noie.

    C'est pourquoi la lune morte reparat tous les jours et quel'homme mort ne revient jamais.

    8. LE GENRE HUMAIN

    Trois hommes s'taient suivis pour aller chez Ouend luiexposer leurs besoins. L'un dit : Je veux un cheval. L'autredit : Je veux des chiens pour chasser dans la brousse. Le troi-sime dit : Je veux une femme pour me dsaltrer.

    Et Ouend leur donna tout : au premier, un cheval ; au second,des chiens ; au dernier, une femme.

    Les trois hommes s'en vont. Mais arrive la pluie qui les en-ferme trois jours dans la brousse. La femme leur fait alors manger, tous les trois. Les hommes disent : Retournonschez Ouend. Et ils y vont.Tous lui demandent alors des femmes. Et Ouend veut bien

    changer le cheval en femme, et les chiens aussi en femmes.Les hommes s'en vont. Or la femme issue du cheval est gour-

    mande ; les femmes issues des chiens sont mchantes ; mais lapremire femme, celle que Ouend avait donne l'un deux,st bonne : c'est la mre du genre humain.

    26

  • PANTHISME

    9. LE CIEL, L'ARAIGNE ET LA MORT

    Le Ciel avait une fort remplie d'orties. II dit qu'il donnerait

    sa fille en mariage quiconque dfricherait sa fort. Alors l'l-phant arrive, pr^nd un coupe-coupe et commence dfricher

    ia fort. Mais le Ciel dclare que celui qui se gratterait en d-frichant la fort n'obtiendrait pas la main de sa fille ; au contraire,celui qui dfricherait la fort sans se gratter aurait la jeune fille.

    L'lphant se m.t donc dfricher la fort ; mais tout desuite, il se gratte, gralte. Alors les enfants du Ciel vont lui dire : L'lphant s'est gratt ! Il ne sait pas dfricher la fort, dit le Ciel.

    Et il enlve sa fille des mains de l'lphant.Il appelle toutes les btes sauvages ; elles vi-nnent en grand

    nombre, mais ne peuvent russir dfricher la fort sans segratter.

    Alors l'araigne dit qu'elle voulait essayer, elle aussi ; elle se

    met dfricher la fort et elle dit Our, la fille du Ciel : Tu connais le buf qu'on va prendre pour que tu me te

    fasses manger ? Ici il a du noir, et l il a du rouge et ici il a dublanc.

    Et en disant cela, l'araigne se grattait, mais les enfants duCiel n'allrent pas dire leur pre qu'elle se grattait. Et ainsi

    l'araigne put arriver bout de dfricher la fort. Et le Ciel luidonna sa fille en mariage et lui fit cadeau d'un buf.

    L'araigne dit : C'est moi, ce buf ; je ne veux pas que les mouches

    viennent se poser dessus pour en manger.Et elle s'en va dans un endroit o il n'y a pas de rnouches,

    afin d'y tuer son buf pour le manger. Elle s'en va ainsi trsloin. Quand elle arrive son feu tait teint. Elle dit alors sonpetit garon qui s'appelait Aba-Kan : Aba, tu vois ce feu l-bas : va en chercher pour que nous

    mangions notre buf.Aba y va : c'tait la Mort qui dormait. Aba-Kan voit un anus

    qui tait rouge, il croit que c'est du feu et, prenant un petitmorceau de bois, il s'approche de l'anus de la Mort pour l'allu-mer.[A ce contact, la Mort s'veille et demande : Qu'y a-t-il ?

    27

  • PANTHISME

    Aba-Kan rpond *.

    . .

    C'est papa qui te fait dire de venir pour que nous mangionsdu buf.

    Et la Mort vint.Ds que l'araigne aperoit la Mort, elle lui dit : Oui, j'avais dit Aba-Kan d'aller t'appeler. Eh bien, me voici, dit la Mort ; tuons le buf et mangeons.Et ils turent le buf. Donne-moi une paule, dit la Mort.L'araigne prend une paule et la donne la Mort qui n en

    fait qu'une bouche, et qui dit l'araigne : Donne-moi le buf tout entier.L'araigne le lui donne et la Mort, sans bouger de place,

    l'avab tout entier.L'araigne avait bien dit : Je ne veux pas que les mouches touchent mon buf.Mais dj la Mort le lui avait mang tout entier et il ne restait

    rien pour l'araigne.C'est fini.

    28

  • CHAPITRE IIIFTICHISMELES GUINNS

    DIVINITS PRIMITIVES

  • Gnies, djinn. Guinn, la Chose, VEtre, la Craturede la brousse, IHomme de Veau, FOmbre. a) Guinnsgants : guinna, dyini, odyigou, guinnarou, dzinna,hlou, siga, bri, ybem, faro. b) Guinns nains :ouokolo, nyama, tigirka, pori, gottr, outakpunua, dgu-dgu. Guinns de la Terre et des profondeurssouterraines : Guin, Sanou (For). Guinns del'Air : Onokolo, Hafritt, Coramb, gnie-oiseau.

    Guinns du Feu : Tologuina. Guinns de l'Eau :Guiloguina, Boulan, Faro, Arondo-Jnu, Mounou, Mou-tn-Rouha, Arikpunua, Diandiane. Effets produitspar la vue d'un guinn. Murs et habitudes des guinns.

    10. BOULAN ET SENKPENG, conte bassouto.1 1

    .

    ARONDO-JNU, conte achira.12. LA SAISON HUMIDE ET LA SAISON SCHE,

    conte kama.

    13. LES ESPRITS DANS LE TROU DE RAT, conte gan.

  • FTICHISMELES GUINNS

    10. BOULAN ET SENKPENGIl y avait une fois une fille de chef nomme Senkpeng ; son

    pre avait un serviteur nomm Mapapo. Boulan envoya unegrande scheresse sur tout le paysjiln'ypleuvait plus jamais, ettoutes les sources taient taries ; partout on ne trouvait plus une

    goutte d'eau. Les gens essaya ent de tuer les bufs et de presserl'herbe contenue dans leur estomac pour en tirer un peu d'eau ;mais mme l, ils n'en pouvaient trouver. Un jour, le pre deSenkpeng, Rasenkpeng, dit Mapapo : Va chercher del'eau ; peut-tre en trouveras-tu quelque part. On prpara unegrande expdition ; on chargea sur les bufs de somme de lafarine, toutes sortes de vivres et une grande quantit de cale-basses pour puiser de l'eau. Mapapo et ses compagnons voyag-rent fort longtemps sans en rencontrer ; enfin Mapapo montasur une haute montagne, et loin, bien loin, au tond d'une gorgeil vit briller de l'eau. Alors il redescendit de la montagne etmarcha dans la direction de cette eau jusqu' ce qu'il l'et trouve.

    Il se pench?, pour boire, mais le m.atre des eaux le frapps surla bouche et l'empche d'en boire ; il essaye d'en puiser dans sesmains, cette fois encore le matre des eaux l'em.pch^ d'en boire.Mapapo se relve tout tonn et dit au matre des eaux qui res-tait toujours invisible : Seigneur, pourquoi m'empches-tude boire ? Le matre des eaux dit : Je te permettrai d'en boire,Mapapo, si tu me promets de persuader Rasenkpeng de medonner Senkpeng en mariage. S'il refuse de me l'accorder,toute sa tribu mourra de soif avec tout le btail. Mapapo luirpond : Je b lui dirai ; mais permets-moi maintenant depuiser de cette eau. Le matre des eaux le lui permit. AlorsMapapo se m t en boire ; il boit, il hoit jusqu' ce que sa soifsoit assouvie. Il rem.plit ensuite d'eau toutes les calebasses qu'ilavait apportes, puis il vids le tabac qu'il avait dans sa tabatireet y verse encore de l'eau. Puis charge les calebasses sur son

    51

  • LES GUINNS

    dos et march.' toute la nuit pour retourner chez son matre.

    Il y arrive avant le jour. Ds qu'il est arriv il se prsente chezRasenkpeng et lui dit : Voici de l'eau, chef. Il ajouta : Lematre des eaux te fait dire qu'il veut pouser Senkpeng. Si turefuses de la lui accorder, ton peuple tout entier prira avec tout

    ton btail ; il ne restera pas une me vivante. Alors on ft appelerSenkpeng ; son pre lui dit : C'est cause de toi que nousmanquons d'eau ; c'est cause de toi que tout mon peupleprit. Mapapo me dit que le matre des eaux veut t'pouser ; sion refuse de t'envoyer chez lui, mon peuple tout entier prira

    par ta faute. Senkpeng rpond : Non, le peuple ne prirapas par ma faute ; vous pouvez me conduire chez le matre des

    eaux.

    Le lendemain, ds qu'il commence faire jour, Rasenkpengfait appeler son peuple tout entier et lui raconte tout ce que

    Mapapo lui a rapport. Le peuple consent tout ; puis onrassemble les bufs de somme, on moud des masses de farine,en tue du btail en quantit ; on charge la viande et la farinesur les bufs de somme et l'on choisit des jeunes gens et desjeunes filles pour accompagner Senkpeng. Tout ce rnonde semet en route conduit par Mapapo ; c'tait lui qu'on avait chargde mener Senkpeng son mari. Quand ils sont arrivs l'en-droit fix, ils dchargent leurs bufs et dposent terre les.vivres qu'ils ont apports. Il n'y avait rien en cet endroit,

    pas mme une seule petite hutte. Les compagnons de Senkpengrestrent longtemps avec elle sans voir personne. Vers le soir

    ils lui disent enfin : Il nous faut maintenant partir et retourner

    chez nous. Senkpeng leur rpond : C'est bien, vous pouvezaller.

    Ils partent ; elle reste seule. Alors elle demande haute voix : O coucherai-je ? Une voix rpond : Ici mme. Senk-peng demande : Ici mme? o ? La voix reprend: Icimme. Senkpeng se tait; elle reste longtemps silencieuse, puiselle demande de nouveau : O coucherai-je ? -^ Ici mme. Ici mme ? o ? Ici mme. Elle reoit toujours la mmerponse, jusqu'au moment o le sommeil la saisit, et o elle s en-dort. Elle dort profondment. Elle se rveille et voit qu'il vapleuvoir. Elle demande : Il pleut ; o coucherai-je ? Lavoix rpond: Ici mme. Ici mme? o? Ici mme.Elle s'endort de nouveau et dort jusqu'au matin. A son

    32

  • LES GUINNS

    rveil elle voit qu'elle est couche dans une hutte. Elle avaitdes couvertures, de la nourriture, il ne lui manquait rien. Mais lematre de la hutte Boulan (qui-ouvre-tme'hutte-pleine-de'pous-sire)^ restait invisible, elle ne voyait personne, la seule chose

    qu'elle pouvait voir, c'tait la hutte o elle tait et les effets quis'y trouvaient.

    Elle vcut longtemps dans cette hutte, sans voir personne, ydemeurant tout fait seule. Enfin elle devient enceinte, sans avoircependant jamais vu un homme auprs d'elle. Le mois qu'elledcit accoucher, sa belle-mre Maboulan vient chez elle pourl'assister. Alors Senkpengm t au monde un petit garon. Lorsquel'enfant a un peu grandi, Maboulan retourne chez elle, lais-sant sa belle-fille seule comme auparavant. Un jour Senkpengdit : Peut-tre puis-je aller chez moi faire visite mes parents ;j'ai un vif dcsir de les revoir. La voix rpond : Tu peux yaller. Le lendemain elle part et va chez ses parents. Ds qu'ellearrive, on crie de tous cts : Voici Senkpeng ; c'est bien ellequi arrive, et mme elle a maintenant un petit garon. Elle restequelques jours la maison ; quand elle part, sa petite surSenkpnyana lui dit : Je veux aller avec toi. Senkpeng luirpond : C'est bien, partons ensemble ; en effet, je suis bienseule. Elles arrivent la hutte de Senkpeng et y passent lanuit. Le lendemain la sur ane dit la cadette de garder sonenfant pendant qu'elle s'en ira aux champs.

    L'enfant pleur.; ; Senkpnyana le bat et lui dit : Enfantdont personne n'a vu le pre ! Personne ne peut mme dire oil est. Le pre de l'enfant entendait tout ce que disait Senk-pnyana. Un autre jour Senkpeng dit encore sa sur : Reste avec l'enfant, pendant que je vais la fontaine. L'enfantpleure ; Senkpnyana le bat et lui dit : Enfant dont personnen'a vu le pre! Personne ne peut mme dire o il est. Elle grondal'enfant plusieurs reprises et de la mme manire.Quand elle veut entrer dans la hutte et en ouvrir la porte, elle

    voit un homme qui se tenait assis tout au fond de la hutte. Cethomme lui dit : Apporte-moi mon enfant ; pourquoi legrondes-tu toujours, disant que personne ne sait qui est son pre ?C'est moi qui suis son pre. Senkpnyana voit que Boulan taitvtu d'une couverture de fer qui brillait tant que cela l'aveuglait ;elle veut sortir et se heurte contre la paroi de la hutte, puis quandelle est un peu remise, elle sort et s'enfuit au plus vite.

  • LES GUINNS

    Senkpeng arrive, dpose son pot d'eau, prend un balai et semet balayer le lapa. Boulan l'appelle : Senkpeng, Senk-peng. Quand elle entre dans la hutte, elle est effraye et s'cri: : D'o vient cet homme tout brillant, vtu d'une couverture defer, qui tient mon enfant dans ses bras ? Elle s'assoit terreBoulan lui demande : Senkpeng, qui est ton mari ? Ellerpond : Seigneur, je ne le connais pas. Boulan lui demandeune seconde fois : Senkpeng, qui est ton mari ? Elle rpond : Seigneur, je ne le connais pas. Alors il lui dit : C'est

    moi qui suis ton mari ; c'est moi qui suis Boulan {celui qui refusede se marier, qm ouvre une hutte pleine de poussire) ;c'est moi qui suis ton mari. Ta sur, que tu as amene ici,gronde toujours mon enfant et lui dit que personne n ajamais vu son pre ; c'est moi qui suis son pre. Ce jour-lSenkpeng voit pour la premire fois son mari ; Boulan prendune couverture de fer et en revt son enfant.A partir de ce jour, Boulan reste axiprs de sa femme et ne

    disparait plus. Le mme jour apparat en cet endroit un grandvillage avec une grande quantit de bufs, de vaches, demoutons, de grandes corbeilles pleines de sorgho ; tout celasort de dessous terre. Maintenant Senkpeng comprer-cl qu'elleest rellement la fem.me d'un grand chef, et qu'elle rgne sur ungrand peuple.

    11. ARONDO-JNUAtungulu-Shimba tait roi. Il tait au pouvoir par droit d'hr-

    dit et 11 avait fait btir huit maisons neuves. Mais Atungulu avaitjur de manger tous ceux qui se querelleraient avec lui. 11 ftcomme il avait dit. 11 mangea tous ses ennemis les uns aprsles autres, jusqu' ce qu'il restt seul dans ses domaines. Alors ilpousa la belle Arondo-Jnu, fiie d'un roi voisin.Une fois mari, Atungulu prend l'habitude de passer toute la

    journe dans la fort pour tendre des piges aux animaux sau-vr.ges et de laisser sa femme dans son village. Un jour Njal, lefrre and'Arondo-Jnu (car Coramb, le roi des airs, leur pre,avait trois fils) vint pour arracher sa sur ces griffes d'Atunguiu-Shlmba ; mais le roi survient tout coup et le mange. Le secondfrre se prsente ensuite et est mang son tour. Enfin arriveReninga, le troisime frre. Il t'engage entre lui et Atungulu

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  • LES GUINNS

    une grande bataille qui dure depuis le lever du soleil jusqu'midi. A la fin, Reninga est vaincu et son adversaire le mangecomme ses deux frres.

    Reninga, cependant, qui avait sur lui un puissant ftiche,sort vivant du corps d'Atungulu. Le roi, en le revoyant,s'crie : Comment avez-vous fait pour vous tirer de l ?Puis il se barbouille de craie m.agique et dit : Reninga,

    emmne ta sur.Aprs quoi, il va se jeter l'eau.Avant de se noyer, il avait dclar que si Arondo-Jnu se

    remariait, elle mourrait ; et sa prdiction se vrifia, car la veuvepousa un autre homme et mourut bientt aprs. Alors Reninga, son tour dsol d'avoir perdu sa sur, se jette; l'eau, lamme place oi Atungulu avait pri, et se noie aussi.A l'endroit oii Atungulu s'est prcipit, le voyageur peut voir,

    en regardant au fond de l'eaU; les corps d'Atungulu et de safemme gisant l, cte cte. Les ongles de cette belle craturesont polis et luisants com.m.e une glace. C'est depuis ce temps-l que l'eau a acquis la proprit de rflchir les objets et qu'elle apris le nom d'Arondo-Jnu. Chacun peut voir aussi sa propreimage dans les ondes, par suite de la transparence que leur ontcommuniqu les ongles d'Arondo-Jnu.

    12. LA SAISON HUMIDE ET LA SAISON SCHEUn jour, il y eut une grande dispute entre Nchanga, la saison

    humide, et Enomo, la saison sche, pour savoir qui des deuxtait l'ane, elles allrent jusqu' engager un pari sur ce pomt,dont la dcision fut remise une assemble des esprits de I airet des cieux. Nchanga commena par dire : Quand je vaisquelque part, la scheresse vient aprs moi ; donc je suis la plusancienne.

    Enomo lui rpondit : Partout o je parais, la pluie mesuccde, donc elle est ma cadette.Les esprits de l'air coutrent leurs raisons et quand les deux

    rivales eurent cess cle parler, ils s'crirent : En vent !en vrit ! nous ne pouvons dire laquelle de vous est l'ane, ilfaut que vous soyez toutes deux du mme ge.

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  • LES GUINNS

    13. LES ESPRITS DANS LE TROU DE RAT

    Une fois, il y eut une grande famine dans tout le pays. Alorsl'araigne sortit de la brousse, avec son petit, pour cher-cher des noix sous une vieille muraille. Elles passent plusieurssemaines sans rien trouver ; la fin, la jeune araigne trouve unenoix. Pleine de joie, elle la casse, mais voici qu'elle tombe de samain et roule dans un trou de rat. La jeune araigne ne veut pasperdre son butin, elle descend dans le trou de rat la recherchede sa noix perdue.

    Alors trois esprits se prsentent elle : un blanc, un rouge etun noir, trois esprits qui depuis la cration du monde ne se sontjamais lavs, ni ne se sont jamais ras la barbe. Ils lui disent : O vas-tu ? Que cherches-tu? Alors la jeune araigne leurraconte son infortune et dit qu'elle est venue dans le trou de ratchercher sa noix perdue.Les trois esprits lui disent : Tu t'exposes ainsi pour une

    noix ! Alors ils dterrent des yams et lui en donnent en quantit,et disent : Ecorce ces yams, fais en cuire les cailles, mais nejette pas le bon... La jeune araigne obit, elle prpare lescailles, et voici qu'elles se changent en yams normes.La jeune araigne reste l pendant trois jours et devient trs

    grasse. Le quatrime jour, elle demande aux esprits la permis-sion de porter quelques-uns de ces prcieux yams ses compa-gnons d'infortune. Les esprits le lui permettent et la congdientavec une grande corbeille pleine de yams.

    Ils l'accompagnent un bout de chemin et, avant qu'elle neprenne cong d'eux, ils lui disent : Tu es maintenant notreamie, c'est pourquoi nous voulons te confier quelque chose. Nousvoulons t'apprendre une maxime, mais ne la rvle personne

    Alors ils commencent :

    Esprit blanc, hoho !Esprit rouge, hoho !Esprit noir, hoho !Si ma tte tait foule aux piedsyQue m'arriverait-il ?La tte, il la jette ;Le pied, il le jette ;

    36

  • LES GUINNS

    La tte, il la jette.Toi, tu as offens le grand ftiche.

    Ainsi chantent les esprits, puis ils quittent l'araigne.

    Lorsqu'elle arrive chez elle et qu'elle montre les yams, son pre

    convoque tous ses amis et chacun d'eux manifeste sa joie. Ils

    mangent tous avec le plus grand plaisir des yams apports et ils

    deviennent tous trs gras. Alors la jeune araigne retourne sou-vent au trou de rat habit par les esprits qui ne se sont jamaislavs et renouvelle sans cesse la provision des yams.

    Un jour, le pre de la jeune araigne veut l'accompagner. Lajeune araigne ne veut rien entendre. Son pre n'est pas srieux,il ne renonce pas son projet. La nuit, tandis que la jeunearaigne dort, il fait un trou sa corbeille et la remplit de cendres.

    Quand le lendemain matin, elle se met en route avec la corbeilleperce, son pre suit secrtement son chemin trac par les cendres.Il la rejoint devant la ville. Bien, dit la jeune araigne, je vois que tu veux y aller ma

    place. Fort bien ! vas-y, je m'en retourne. Mais, pre, fais bien

    attention ne pas trop parler et ne pose pas l'homme sage.Alors la jeune araigne s'en va. Mais son pre lui crie : Soigne-toi bien ! Et il entre tout droit dans le trou de rat.

    Alors les esprits se portent sa rencontre et lui demandentce qu'il veut. Quand le pre les voit, il clate de rire et s'crie : Oh ! ces fous qui ne se sont jamais lavs ! Venez, dois-jeraccourcir vos barbes en broussaille ? Veux-tu peut-tre

    nous apprendre la sagesse? s'crient les esprits. Et d'abord, que

    cherches-tu ici ?Alors le pre de l'araigne leur apprend qu'il est venu cher-

    cher des yams pour lui et ses compagnons. L-dessus, les espritslui en apportent et lui disent : Ecorce-les et fais en cuire les

    cailles.

    Le pre de l'araigne se met rire et pense : a seraitvraiment sot ! >' Il place les yams sur le feu, mais ils ne veu-lent rien donner. A la fin, il suit le conseil des esprits, place surle feu, non pas les yams, mais les cailles qui se changent aussi-

    tt en fruits magnifiques.Aprs quelque temps, le pre de l'araigne dit : Je veux m'en

    aller. Alors les esprits lui donnent un grand panier pleiri deyams, l'accompagnent un bout de chemin et, avant de le quitter

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  • LES GUIN>-1S

    lui enseignent la maxime qu'ils avaient dj enseigne la jeunearaigne, mais ils lui recommandent de ne jamais la chanter.Aussitt 3 pre de l'araigne se met la chanter tue-tte ;comme les esprits se taisent, il pense qu'ils ont seulementmurmur un ancien chant de leur patrie.A peine sortie du trou de rat, il se remet chanter haute

    VOIX :Esprit blanc, hoho !Esprit rouge, hoho !Esprit noir, hoho !Si ma tte tait foule aux pieds.Que rnarrivarait-il ?La tte, il la jette ;Le pied, il U jette ;La tte, il la jette.Toi, tu as offens le grand ftiche.

    Aussitt une violente douleur le saisit. Li php de l'araignes'afaisse, comme si sa tte, ses jambes, ses mains taient cou-pes. Mais son chant continue encore. Pleins de compassion,les esprits l'veillent de ce mauvais songe. Mais il chante denouveau. Alors il tombe avec ce rve effrayant devant les yeux.De nouveau, les esprits l'veillint. Mais lorsqu'il recommencepour la troisime fois le chant dfendu, les esprits lui enlventles yams et le battent, le battent.

    Les habitants de la ville se rjouirent au commencement,quand l'araigne revint, mais quand ils apprirent son aventure,ils la chassrent, irrits.

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  • CHAPITRE IV

    FTICHSM EANIMAUX GUINNS

  • Niabardi-dallo, le Caman. Ninguinanga, le boa.

    Ourasa, le mangeur d'hommes. Minimini, By boum"bouni, le Serpent. Kammapa, le mangeur du monde.

    UOiseau de la Pluie, etc.

    14. KAMMAPA ET LITAOLAN, conte sesouto.15. MURKW-LZA, conte soublrja.16. SDIMW. conte soublrja.17. MASLANTJA, conte bassouto.18. HISTOIRE DE L'OISEAU QUI FAIT DU LAIT,

    conte ba-kalong.

  • FTICHISMEANIMAUXG U I N N S

    14. KAMMAPA ET LITAOLANOn dit qu'autrefois tous les hommes prirent. Un animal pro-

    digieux, qu'on nomme Kammapa, les dvora, grands et petits.Cette bte tait horrible, il y avait une distance si grande, sigrande, d'une extrmit de son corps l'autre, que les yeux lesplus perants pouvaient peine l'embrasser tout entire. Il neresta sur la terre qu'une femme qui chappa la frocit deKammapa, Elle se tenait soigneusement cache. Cette femmeconut et elle enfanta un fils dans une vieille table veaux. Ellefut trs surprise, en le considrant de prs, de lui trouver au coudes amulettes divinatoires. Puisqu'il en est ainsi, dit-elle, son nom sera Litaolan, le

    Divin. Pauvre enfant ! Dans quel temps est-il n ! Com-ment chappera-t-il Kammapa ? Que lui serviront ses amu-lettes ?

    Elle parlait ainsi en ramassant dehors quelques brins de fumierqui devaient servir de couche son nourrisson. En rentrant dansl'table, elle faillit mourir de surprise et d'effroi. L'enfant taitdj parvenu la stature d'un homme fait et il profrait des dis-cours pleins de sagesse. Il sort aussitt et s'tonne de la solitudequi rgne autour de lui. Ma mre, dit-il, o sont les hommes ? N'y a-t-il que toi

    et moi sur la terre ? Mon enfant, rpond la femme en trem-blant, les hommes couvraient, il n'y a pas longtemps, les valleset les montagnes, mais la bte, d.ont la voix fait trembler lesrochers, les a tous dvors. O est cette bte ? La voiltout prs de nous.

    Litaolan prend un couteau et, sourd aux prires de sa mre,il va attaquer le mangeur du monde. Kammapa ouvre son pou-

    41

  • ANIMAUX GUINNS

    vantable gueule et l'engloutit, mais l'enfant de la femme n'estpas mort ; il est entr, arm de son couteau, dans l'estomac dumonstre et lui dchire les entrailles. Kammapa pousse un horriblemugissement et tombe. Litaolan commence aussitt s'ouvrirun passage ; mais la pointe de son couteau fait pousser des cris des milliers et des milliers de cratures humaines, enfermesvivantes avec lui. Des voix sans nombre s'lvent de toutes partset lui crient : Prends garde, tu nous dchires.Il parvient cependant pratiquer une ouverture par laquelle

    les nations de la terre sortent avec lui du ventre de Kammapa.Les hommes, dlivrs de la mort, se disent les uns aux autres : Qui est celui-ci qui est n de la femme sclitaire et qui n'ajamais connu les jeux de l'enfance ? D'o vient-il ? C'est unprodige et non un homme. Il n'a rien de com.mun avec nous :faisons-le disparatre de la terre.

    Cela dit, ils creusent une [fosse profonde, la recouvrent degazon, et placent un sige dessus ; puis un envoy court chezLitaolan et lui dit : Les anciens de ton peuple se sontassembls et dsirent que tu viennes t'asseoir au milieud'eux.

    L'enfant de la femme y va ; mais en passant prs du pige, ily pousse adroitement un de ses adversaires, qui disparat pourtoujours.

    Les hommes disent encore : Litaolan a l'habitude de sereposer au soleil prs d'un tas de roseaux ; cachons un guerrierarm dans les roseaux.

    Cette embche ne russit pas mieux que la premire. Litao-lan n'ignorait rien et sa sagesse confondait toujours la malicede ses perscuteurs. Plusieurs d'entre eux, en tchant de le jeterdans un grand feu, y tombrent eux-mmes. Un jour qu il taitvivement poursuivi, il arrive au bord d'une rivire profonde etse mtamorphose en pierre. Son ennemi, surpris de ne pas letrouver, saisit cette pierre et la lance sur la rive oppose. IIdit : Voil comme je lui casserais la tte si je l'apercevais sur

    l'autre bord.La pierre redevient homme, et Litaolan sourit sans crainte

    son adversaire qui ne peut plus l'atteindre, et exhale sa fureurpar des cris et des gestes menaants.

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  • ANIMAUX GUINNS

    15. MURKW-LZAOn dit que l'oiseau de la pluie avait une femme. Il dit un

    homme : J'pouse ta fille. Epouse-la.Alors l'oiseau de la pluie pouse cette femme-l. Alors ses

    beaux-parents, parce qu'ils mourraient de soif, disent leurgendre : Va nous puiser de l'eau.

    Il y va, arrive prs de l'eau et boit ; quand il a fini de boire, ilse dit ; Quel tour pourrais-je ben leur jouer ? Alors il sedit : Je mettrai du sable dans les calebasses.

    Alors il remplit de sable toutes les calebasses, prend un toutpetit peu d'eau et la verse sur le sable. Puis il porte l'eau au vil-lage. Arriv l, il la donne ses beaux-parents. Ceux-ci sonttout joyeux en voyant ces grandes calebasses toutes pleines. Ilsdisent : Aujourd'hui nous aurons beaucoup d'eau boire.

    Puis ils portent les calebasses dans la hutte. Ils disent : Nouste remercions. L'oiseau de la pluie dit : C'est bien.

    Alors l'oiseau de la pluie se dit : Je leur ai jou un bontour.

    Sa femme lui demande : Oij est l'eau ? Son mari rpond : Je l'ai porte mes beaux-parents.

    Alors la femme de l'oiseau de la pluie lui dit : Verse-moi del'eau dans ma tasse.La belle-mre incline la calebasse ; elle voit que le peu d'eau

    qui s'y trouve tombe dans la tasse et qu'il n'y en a que fort peu.Alors elle dit son mari : Il n'y a pas d'eau, ce n'est que dusable ; il n'y a pas d'eau.Le beau-pre appelle son gendre et lui dit : Pourquoi nous

    as-tu puis du sable au lieu d'eau ? L'oiseau de la pluie dit : J'ai essay de puiser l'eau, mais il y avait l beaucoup desable ; c'est ainsi qu'il en est entr dans mes calebasses.Le beau-pre: lui dit : En vrit, tu nous as jou un mauvais

    tour.

    Son beau-pre le chasse et dit : Pars d'auprs de mon enfant.Il ajoute: Dornavant, lu ne boiras plus d3 l'eau du fleuve;

    mais seulement l'eau de la rose et de la pluie.Ici finit l'histoire de l'oiseau de la pluie.

  • ANIMAUX GUINNS

    16. SDIMWSdimw tait un grand animal qui faisait du mal aux hommes.

    Un jour que les hommes avaient t tendre des piges aux ani-maux et qu'ils en avaient pris dans leurs piges, ils les appor-trent au village et les firent cuire dans les pots. Alors ils disent Sdimw : Mangeons maintenant. Mais Sdimw leurrpond : Je suis rassasi.

    C'tait un mensonge car il voulait tout manger, tout seul,pendant la nuit. Les hommes s'endorment. Au lever du soleil, ilse trouve que Sdimw a aval tous les pots pendant la nuit. Leshommes demandent : Qui a mang notre viande ?Ensuite ils retournent leurs piges et y trouvent des animaux.

    Ils les apportent au village et les font cuire. Le lendemain, ilsvoient que Sdimw a de nouveau aval tous les pots.Le jour suivant, ils apportent encore la viande des animaux et

    la font cuire. Cette fois, le livre se cache et dit : Je verraibien aujourd'hui si c'est notre chef qui mange toute notreviande.La nuit, pendant qu'ils dorment, le livre s'est couch prs

    du foyer et dit : Je le verrai bien.Aussi lorsque Sdimw se lve pour manger la viande, le

    livre se met dire : Je te vois, oncle maternel.Sdimw a peur et se recouche. Ensuite il se lve de nouveau

    pendant que tous dorment. Mais le livre, lui, ne dort pas. Etcomme Sdimw ternue, le livre crie ; Je te vois, onclematernel.

    Cela continue ainsi jusqu'au matin. Lorsque le soleil se lve,Sdimw e^t couch, malade. On lui crie : Lve-toi etmangeons de la viande. Il rpond : Je n'en veux pas ; jesuis malade.

    Les gens mangent la viande ; ils la mangent toute. AlorsSdimw se lve et trouve qu'il n'y a plus rien. Alors il avaleles pots vides et les hommes avec. Le livre, lui, s'tait cachdans l'herbe.Quand Sdimw a fini de manger les gens, il avale leurs mai-

    sons et il s'en va. Alors le livre rassemble tous les animaux pourlui donner la chasse et le tuer. Les premiers qui y vont sont

    44

  • ANIMAUX GUINNS

    l'lan et le zbre. Ils y vont, mais ils ne voient que de la poussire.Ils reviennent et disent : Nous ne l'avons pas vu.

    Ensuite partent le lion et le lopard : eux aussi ne peuventl'atteindre. Ensuite y vont le gaon et le gaon blanc. Puis l'anti-lope et la gazelle. Eux tous reviennent sans avoir rien vu. Ensuitepartent le chien sauvage et 1 hyne. Ceux-ci savent trouverSdimw. Le chien sauvage se met crier : C'est vous quil'avez poursuivi au loin sans succs, vous, lan, buffle, antilope,hyne et lopard !'fi! Alors le chien sauvage perce Sdimw d'une flche ; l'hyneaussi le perce d'une flche. Sdimw est mort. Alors le chiensauvage et 1 hyne vont chercher les autres animaux et lesamnent l ; ils rassemblent aussi tous les oiseaux.

    L'aigle vient le premier et dit :

    Tjolo, ntjo, ntjo, ntjo, ntjo.Mon bec est cass,Celui que m'a donn Samokpunga,Samokounga de Lza.

    Et comme il dit cela, son bec se casse.Le martin-pcheur vient ensuite et dit :

    Tjolo, ntjo, ntjo, ntjo, nijo^Mon bec est cass,Celui que nia donn Samokounga,Samokounga de Lza.

    Et son bec aussi se casse.Vient ensuite le hron et lui aussi chante :

    Tjolo, ntjo, ntjo, ntjo, ntjo.Mon bec est cass.Celui que m'a donn Samokounga,Samokounga de Lza.

    Et son bec se casse.Vient ensuite le vautour qui s'entend dpecer les animaux.

    Il chante :Tjolo, ntjo, ntjo, ntjo, ntjo,Mon bec est cass.Celui que m'a donn Samokounga,Samokounga de Lza.

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  • ANIMAUX GUINNS

    Son bec, lui aussi, se casse.Alors vient un tout petit oiseau, le katuitu. Les animaux

    disent : Son bec est trop petit.Le petit oiseau se met chanter :

    Tuer ! tuenu ! nfuentu !Mon petit bec est bris.Qui nia t donn par Samokpimga,SamoJiounga de Lza.

    Alors il fait un tout petit trou. Quand ils voient Is petit trou,les animaux disent au katuitm : Va-t'en ! qu'un plus grandoiseau vienne !La grue vient alors et se met chanter :

    Tjolo, ntjo, ntjo, ntjo.

    Son bec se casse. En mme temps, le petit trou fait par leJiatuiiu se referme.

    Alors ks animaux rappellent ce tout petit oiseau, le katuitu"Il revient et se met chanter :

    Tuer ! tuentu ! ntuentu !

    Il fait alors une plus grande ouverture au cadavre de S-dimv/. Et le petit oiseau chante encore :

    Tuer ! tuenu ! ntuentu !

    Et il ouvre le ventre de Sdimw. Tout ce qui tait dedansen sort: les maisons, les pots, le btail et lis hom.mes. Alorsceux-ci reconstruisent les villages.

    ,,17. MOSLANTJAIl y avait une fois un chef ; son village tait trs grand, mais

    il n'avait que trois enfants : un fils et deux filles. L'ane desfilles se m.arie ; il ne reste la maison que la cadette Fnj^af-nyan et son petit frre. Une anne, comm.e on travaillait auxchamps, le petit garon reste- 1 seul la maison, et s'en allait jouerau bord de la rivire et criait: Koyoko, dpche-toi, viens memanger. Koyoko sortait de l'eau et venait le poursuivre, et vite,vite le petit garon de se prcipiter dans la hutte. C'tait l son

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    jeu de chaque jour. Une fois, tout le monde tait parti pouraller bcher le champ du chef. Le petit garon va la rivireselon son habitude et se met crier : Koyoko, dpche-toi, viensme manger. Cette fois Koyoko sort de l'eau avec rapidit et s'em-pare du petit garon ; il le dvore tout entier et ne laisse que la tte.Cependant la mre du petit garon dit sa fille : Va

    bien vite la maison, chercher de la semence. La jeune fille,en arrivant au village, dcouvre la tte de son petit frre. Alorselle s'crie en pkurant : Hlas ! mon frre a t dvor parKoyoko. Elle monte sur une petite minence et appelle sa mre haute voix en chantant ainsi :

    Mre, mre, toi qui travailles au loin (bis).Mon frre Solo a t dvor par Koyoko ; mre^ mre, toi qui

    [travailles au loin (bis).Solo, le fils de ma mre, a t dvor par Koyoko ; mre, mre, toi

    [qui travailles au loin (bis).Mon frre Solo a t dvor par Koyoko ; mre, mre, foi qui

    [travailles au loin (bis).

    Sa mre l'entend chanter et dit ceux qui travaillent avecelle : Taisez-vous, que je puisse entendre. Ils dposent leursbches et s'arrtent. La jeune fille se remet chanter :MrCy mre, toi qui travailles au loin (bis),Mon frre Solo a t dvor par Koyoko ; mre, mre, toi qui

    [travailles au loin (bis),Solo, le fils de ma mre, a t dvor par Koyoko ; mre, mre, toi qui

    [travailles au loin (bis),Mon frre Solo a t dvor par Koyoko ; mre, mre, toi qui

    [travailles au loin (bis).

    Alors la femme prend sa bche, en frappe tous ses compagnonset les tend raide morts. La jeune fille continue chanter :

    MrCy mre, toi qui travailles au loin (bis).Mon frre Solo a t dvor par Koyoko ; mre, mre, foi qui

    [travailles au loin (bis).Solo, le fils de ma mre, a t dvor par Koyoko ; mre, mre, toi qui

    [travailles au loin (bis).Mon frre Solo a t dvor par Koyoko ; mre, mre, toi qui ira-

    [vailles au loin (bis).

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    Alors sa mre recommence frapper avec sa bche les corpsde ses compagnons ; il n'en reste pas un de vivant. Puis elle partet retourne au village ; tout en marchant elle ramasse des scor-pions, des mille-pieds, des perce-oreilles, des fourmis et desaraignes venimeuses et les met dans son sac. Quand ellearrive chez elle, elle y trouve Koyoko si repu qu'il ne peutplus bouger. Elle place devant sa hutte le sac qu'elle a remplide scorpions ci d'insectes venimeux ; puis elle entre et se met chercher dans ses effets ; elle rassemble ses plus beaux colliersde perles et ses anneaux de mtal et les place ct. Puis ellesort de la hutte, rassemble de l'herbe dessche, en fait de grandesbottes qu'elle lie avec des cordes d'herbes et les entasse contre

    les murs de la hutte.Alors elle dit Koyoko : Viens ici, que je te rase la tte.

    Quand Koyoko s'est approch, elle prend une lancette et se met lui dchirer les chairs de la tte ; puis elle dlie son sac. Lesscorpions et les insectes venimeux en sortent par paquetset entrent dans les oreilles, la bouche et les yeux de Koyoko,qu'ils mordent et piquent jusqu' ce qu'il en meurt.

    Alors elle appelle sa filL et lui dit : Viens ici. Elle prend ssscolliers de perles et ses anneaux de mtal et l'en pare ; puis ellelui dit : Maintenant, mon enfant, pars et va chez ta surHlakatsabal, femme de Masilo ; surtout garde-toi bien deregarder derrire toi ; quoi qu'il arrive, poursuis ta route etmarche toujours devant toi. La jeune fille part et marche long-temps, bien longtemps. Alors elle se dit : Je voudrais biensavoir pourquoi ma mre m'a dfendu de regarder derrire moi ;il faut que je voie ce que c'est. Peut-tre qu'elle veut mettre lefeu la hutte et y prir. Elle se retourne et voit une grande fumequi monte au ciel ; alors elle s'crie : Hlas ! ma mrea mis le feu sa hutte et se brle toute vive. Elle entend toutprs d'elle une voix rpter : Hlas ! ma mre a mis le fea sahutte et se brle toute vive. Elle regarde et voit un animaltrange ; elle se demande tout tonne : D'o cet animai peut-il bien sortir ? La voix reprend: Prte-moi un peu tes colliersde perles et tes habits, que je voie comme ils me vont. Alors lajeune fille se dpouille de ses vtements et les donne Mos-lantja. Moslantja les revt et donne la jeune fille les haillonsdont elle crt recouverte.Quand elles sont prs du village, la jeune fille dit : Main-

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    tenant, rends-moi mes habits. Pas encore je te les rendrai aupturage des bestiaux. Quand elles arrivent l o le btailpat, la jeune filL reprend : Donne-moi maintenant meshabits. Ouais ! veux-tu donc qu'on dise que les femmes deMasilo se disputent pour rien au milieu de la route ! Elles arri-vent ainsi chez Hlakatsabal, la sur ane de Fnyafnyan.Moslantja se hte de dire (Fnyafnyan, elle, se tait, touthonteuse) : Ma mre m'a dit de venir chez toi ; notre frrea t dvor par Koyoko, et ma mre a mis le feu sa hutte et s'yest brle. Hlakatsabal se dit : Qui est-ce qui a pu changerainsi ma sur ? Je ne la reconnais plus et cependant ses vte-ments et ses ornements sont bien ceux de chez nous. Elle finitcependant par se persuader que c'est bien l sa sur. Mos-lantja reprend en dsignant Fnyafnyan : Quant cet tre-l, c'est Moslantja ; je l'ai rencontre en route et elle voulaitabsolument que je me dpouille de mes beaux habits pour leslui donner.

    C'est ainsi que Moslantja se ft passer pour Fnyafnyan.Le soir Hlakatsabal dit Fnyafnyan d'aller coucher dans

    la hutte d'une vieille femme et garde Moslantja auprs d'elle.Mais, pendant la nuit, la queue de Moslantja s'allonge et vachercher, dans tous les coins de la hutte, les vivres qui ysont rassembls. Masilo s'crie : Qu'est-ce ? Vite Mos-lantja de s'crier : Masilo, aide-moi, j'ai de fortes coliques, jesouffre cruellement. Le lendemain, ds qu'il fait jour, Masilos'crie : Oh ! oh ! qui a pris toute notre nourriture ? Qui apu faire cela ? Moslantja rpond : C'est sans douteMoslantja : c'est une voleuse, elle vole partout. Quand onse met manger, on donne Fnyafnyan sa nourriture dansune cuelle brche si sale qu'elle ne p;ut y toucher; quant Moslantja, elle mange dans un beau vase tout neuf.Le printemps s'coule ; on sarcle les champs; puis arrive le

    moment de chasser les oiseaux. Hlakatsabal ordonna alors sa sur, qu'elle croit toujours tre Moslantja, d'aller sonchamp pour chasser les oiseaux. Ce champ tait contigu au champde la vieille femme qui avait recueilli Fnyafnyan. Au milieudu jour, Hlakatsabal envoie Moslantja porter de la nourriture Fnyafnyan; mais Moslantja mange tout en route. Quandelle arrive au champ oii se tient Fnyafnyan, elle lui dit : Qu'as-tu donc dormir ainsi, paresseuse que tu es ; ne vois-

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    tu pas que les oiseaiix mangent le sorgho de mon mari, lesorgho de Masilo ? Quand Moslantja est partie, Fnyafnyanremonte sur son tas de mottes, qui er.t tout prs de celuisur lequel se tient la vieille femme qui l'a recueillie. Elle sedresse de toute sa hauteur et se m;t chanter :

    Va-t-en, cclombe ! va-t-en, colorfihz !Aujourd'hui, on Tp'a^pzlh Moslantja; va-t'en, colombe ! va-t'en,

    [colombe !Auparavant, j'tais Fnyafnjan, la sur de Hlakatsabal, va-t en,

    [colombe; va-t'en, colombe !Aujourd'hui, on me donne manger dans des cuelles sales, va-t en,

    [colombe; va-t'en, colombe !

    Roseau, envole-toi, que je m'en aille vers mon pre et ma mre !

    Alors le roseau la prend et la soulve pour l'emporter dans lesairs. Mais la vieille femme accourt et se saisit d'elle. Fnyaf-nyan lui dit : Laisse-moi seulement m'en aller vers mon preet ma mre. Ne vois-tu pas qu'aujourd'hui j'en suis rduite manger ma nourriture dans des cuelles sales et brches ?C'est comme si Hlakatsabal n'tait pas ma sur. C'est alorsqu'elle dcouvre la vieille femme qui elle est ; elle lui dit : Chez nous, un jour, tout le monde tait aux champs^ ; monpetit frre alla la rivire taquiner Koyoko, qui en sortit et ledvora. Alors ma mre me dit de venir ici et me recommandafortement de ne pas regarder derrire moi. Mais je me suisretourne pour voir ce qui arrivait et peine m'tais-je cri : Hlas! ma mre a mis le feu sa hutte et s'y brle toute vive,que j'entendis tout prs de moi, mes pieds, Moslantja s'crier : Hlas ! ma mre a mis le feu sa hutte et s'y brle toute vive.Puis Moslantja m'a demand de lui prter mes vtem.ents, etj'y ai consenti, parce qu'elle me disait qu'elle allait me les rendre.

    C'est ainsi que nous sommes arrives ici ; elle s'est fait passer

    pour moi et c'est elle qui a racont que ma mre s'tait brledans sa hutte.La vieille lui demande : Comment donc est-ce que ta sur

    ne voit pas ta figure que tn n'es pas sa sur ? Fnyafnyanrpond : Je ne sais pas. La vieille ne lui rpond pas ; elleva chercher sa nourriture et la partage avec Fnyafnyan. Cejour-l la vieille ne dit rien ni Masilo, ni Hlakatsabal ; elle

    ne parle personne de ce qu'elle a vu et entendu.

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    Le soir, comme d'habitude, on donne Fnyafnyan sanourriture dans une vieille cuelle sale et brche ; mais elle n'ytoucha pas. Chez Masilo on avait tu un buf et on en avaitcuit les viandes. Pendant la nuit, la queue de Moslantja s'allongeet se met manger toutes les viandes. Masilo l'entend et dit : Qui eat-ce qui fait amsi ce bruit dans les pots de viande ?Il se lvj pour aller voir, mais vite Moslantja de s'crier : Masilo, aide-moi, j'ai de forteo coliques ; aide-moi, Masilo,je n'en puis plus.Le lendemain Fnyafnyan retourne au champ de sa sur ;

    cette fois-ci c'est sa sur Hlakatsabal, qui lui apport : sa nour-riture ; elle la lui donne, comme toujours, dans une vieille cuellesale et brche. Fnyafnyan la rr.et de ct sans y toucher ;la vieille femme ne disait toujours rien. Quand Hlakatsabals'est loigne, Fnyafnyan monte sur son tas de mottes et, s'ydressant de toute sa hauteur, se met chanter :

    Va-t'en, colombe ! va-fen, colombe !Aujourd'hui, on m'appelle Moslantja; va-t'en, colombe! va-t'en,

    [colombe IAuparavant, j'tais Fnyafnyan, la sur d